Xavier Coste, jeune illustrateur talentueux déjà auteur d’une biographie de Egon Schiele chez le même éditeur, prend le parti de raconter la vie d’un autre écorché vif : Arthur Rimbaud. Dés les premières images, il donne le ton, quoi de plus surprenant que de découvrir un poète se faire amputer :Je trouvais important de commencer par quelque chose de visuel… Je voulais quelque chose de fort et d’inattendu… Généralement, on ne se représente pas Rimbaud le crâne dégarni et une jambe en moins. Lorsque j’ai proposé mon projet à mon éditeur, il a eut peur que je fasse dans le romantique…
Rimbaud a à peine seize ans lorsque Paul Verlaine le réclame à Paris, car il est bourré de talent. Mais en tant qu’être humain il se révèlera infecte. Lui qui ne rêve que de se faire publier va tout faire pour se saborder en se comportant comme un gosse capricieux. Verlaine avec qui il vit une liaison sulfureuse va détruire sa vie et tout perdre, métier, femme, enfant, notoriété.
Je ne m’intéresse pas à Rimbaud mais à son destin. Il a eut une vie vraiment riche ! Ce sont des gens qui sont dépassés par leur œuvre, ils n’ont jamais imaginé ce que cela allait donner. Aujourd’hui il se retournerait dans sa tombe si il savait qu’il est statufié ! Cela m’intéressait de ramener une grande figure à un sujet humain. Rimbaud était sadique avec Verlaine, il le poussait à bout, il détruisait tout sur son passage alors que tout le monde avait été accueillant avec lui. Voilà pourquoi le titre l’indomptable. Schiele, ma précédente bio, va essayer de se racheter à la fin de sa vie contrairement à Rimbaud. La concordance entre ses poèmes et sa vie m’a surpris, j’ai trouvé qu’il y avait beaucoup de force et de vitalité en lui, que j’ai retrouvé dans ses lettres !
Rimbaud l’Indésirable raconte les deux vies de Rimbaud : le jeune poète arriviste en mal de reconnaissance et le trentenaire fatigué d’écrire et de vivre, qui se terre en Afrique…
On ne sait pas trop ce qu’il a fait après le départ de Verlaine alors je n’ai pas voulu inventer. Dans la deuxième partie de sa vie, lorsqu’il est en Afrique il veut écrire des guides géographiques mais cela échoue, il voulait vraiment pousser les choses jusqu’au bout. J’ai eu du mal avec la partie Afrique qui fait dix ans car tous les gens qui l’ont rencontré là-bas disent qu’il ne faisait rien et dans ses lettres il racontait qu’il mourait d’ennui. Raconter cela sur une soixantaine de page n’est pas évident… C’est romanesque, ce trafic qui vire à l’aventure, c’est son unique trafic où il perd de l’argent. Je m’attendais à ce que sa partie africaine soit plus aventureuse.
L’ouvrage fait 118 pages, des illustrations fort aérées, au graphisme minimaliste… Dans la partie africaine, on pense à Hugo Pratt, avec ces pages languissantes. Xavier Coste déploie tout son talent pour nous faire ressentir la torpeur et l’ennui…
Je suis un peintre frustré, cela me plait de mêler l’écriture et le dessin, la référence à Pratt est exacte, le graphisme est minimaliste sur le Rimbaud, je travaillais plus à l’instinct et j’avais souvent les idées de couleurs de page avant de la dessiner.
J’ai fait le story-board à l’ordinateur et redessiné par-dessus. L’avantage est que si je fais un dessin je peux agrandir, réduire, le placer sur une page. Pour le Schiele j’avais 64 pages et comme il avait bien marché - 7000 exemplaires ! – mon éditeur m’a laissé carte blanche pour celui-ci. J’espère avoir trouvé le juste milieu, je ne voulais pas mettre trop de poèmes…
Cette biographie s’avère finalement assez surprenante ; ceux qui ont lu Rimbaud auront du mal à s’imaginer qu’il était cet individu tellement infect et ceux qui le découvrent sans l’avoir lu au préalable auront un mal fou à se persuader de le lire.
- Shesivan
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