Série: La prof et l'Arabe
Auteurs: Pierre Maurel, Dominique Laroche
Editeur BD: Casterman
Une chronique BD: Génération BD
C’est l’histoire de Saïd Boudraa, fils d’un Imam en Algérie. Il fréquente l’école française locale (l’Algérie est française en 1940). Avec des camarades, il décide de faire la grève à l’école par solidarité avec le Maroc mais cela lui vaudra un renvoi de l’école.
Saïd part alors rejoindre son frère à Paris. Pour meubler son temps, il écrit des lettres pour des compatriotes qui veulent donner de leurs nouvelles au pays. Il se fait ainsi remarquer et on lui propose d’apprendre le travail de la menuiserie. Ensuite, ne trouvant pas un emploi, il fait son service militaire mais on est en plein dans le conflit avec le FLN en Algérie. Pendant l’entraînement, Saïd se fait un nouvel ami : Oumar, un Sénagalais. Lorsqu’il va arriver en Algérie en 1959, Saïd va se retrouver dans la position délicate de combattre des patriotes pour l’armée française, conflit qui conduira au décès de son ami Oumar. Fameuse prise de tête… Une fois démobilisé, Saïd passe saluer ses parents et retourne ensuite en France.
C’est l’histoire de Michelle Joly, inspirée par un grand souci de l’équité, elle demande à sa directrice de partager la retenue d’une amie, estimant que la punition est injuste. Son père, fils d’ouvrier a obtenu un rôle de comptable au sein de l'usine, poste dont il est très fier. Pourtant, les conditions de vie restent difficiles... Devenue étudiante en 1968, Michelle ne peut que faire partie des révolutionnaires de son université.
C’est dans le contexte de la révolution de Prague de 1968 et d’un voyage avec « Loisirs et vacances de la jeunesse » (organisme de voyage communiste affilié à la CGT) que Michelle fait la connaissance de Saïd, ils découvrent leur passion commune pour le théâtre. Si le voyage est écourté (les russes débarquent en Tchécoslovaquie), une idylle est née. De retour en France, Saïd travaille dans une usine où il milite activement pour le syndicat, ce qui lui vaut quelques déboires. Michelle a trouvé un emploi d’enseignante, elle s’engage également dans la vie syndicale et milite pour les droits de la femme. Le couple se marie en 1971, deux filles viennent agrandir la famille, une maison est achetée…
La révolution islamique entraîne des tensions dans le couple, Saïd se réfugie dans la religion. Les attentats en Algérie l’amènent à culpabiliser… Lorsque Saïd décide enfin d’adopter la nationalité française, il est confronté à un refus de la part des autorités françaises, curieux remerciement pour quelqu’un qui a combattu sous leurs couleurs. La vie de Saïd semble vouée au déracinement. Néanmoins, devenu plus âgé, le couple se resserre à nouveau, développant son projet de théâtre.
Vous l’aurez compris, il est difficile de résumer en quelques mots ces deux vies bien remplies. Au-delà des faits, il y a tout un dilemme chez Saïd entre ses racines algériennes et l’influence de la culture française surtout lorsque ceux-ci rentrent en conflit. Il y aussi l’inébranlable volonté de Michelle de respecter le militantisme de son mari et sa quête de sens, elle en souffre parfois et désapprouve parfois l’évolution de pensée de Saïd mais elle préserve ses principes de loyauté.
Roman fiction basé sur des personnages qui ont réellement existé, ce livre pose la question du jusqu’au-boutisme dans ses idéaux, dans son envie de changer le monde, de ses désillusions aussi…
Dessiné en noir et blanc, La prof et l’arabe ne raconte pas l’histoire de héros super aventuriers risquant leur vie à chaque page de leur récit, leur héroïsme est peut-être plus fort encore dans le sens où le combat est mené contre des idéaux et des principes de vie, ces combats à taille humaine ne sont jamais gagnés d’avance et source de bien de préoccupation. C’est un combat au quotidien qui nous rappelle notre rôle dans la société. C’est le message que Laroche et Morel tentent de transmettre via cet album tout à fait d’actualité.