Série: Dark Museum #1
Auteurs: Stéphane Perger , Gihef, Didier Alcante
Editeur BD: Delcourt
Une chronique BD: Génération BD
Tout commence en 1930 par une foire agricole en Iowa. En fait de foire agricole, il s’agit plutôt d’une immense brocante où chacun tente liquider le peu d’avoir qu’il a pour gagner un peu d’argent. La crise a en effet rudement frappé les paysans, la sécheresse n’arrangeant rien.
Lazarius Henkel et sa fille Epiphany font partie de cette gigantesque solderie ; ils bradent leur tracteur de 50 à 15 dollars… L’objectif est d’avoir assez d’argent pour payer le médecin qui soigne Caleb, le petit frère d’Epiphany . La malnutrition le rend particulièrement mal en point et ses jours semblent comptés.
Les choses se dégradent encore dans cette petite ville agricole lorsque le maire annonce la venue d’une fête foraine. Personnes n’est dupe, cette fête ne va rien apporter aux citoyens, au contraire, l’eau sera encore plus rare ! La colère gronde de plus en plus…
Pour nourrir son frère, Epiphany va voler du lait à un voisin mais se fera prendre par celui-ci. Il la dénonce au shérif et la famille risque de devoir payer une amende salée alors qu’ils n’en ont pas les moyens.
Un incident va changer le cours des choses. Suite à un accident de voiture près de la ferme de Henkel où le conducteur est carbonisé, la famille va se rendre compter que le goût du corps humain est assez savoureux. Lazarius va donc dépecer le corps qui servira à alimenter la famille. Sous ce régime vitaminé, Caleb revit et est même en pleine forme.
Cependant, le voisin a maintenu sa plainte ; ce qui confirme la probabilité d’une amende. C’est la goutte de trop pour Lazarius qui va aller transpercer celui-ci avec sa fourche. Et comme ce serait dommage de se passer de cette bonne viande, le voisin est dépecé à son tour.
L’engrenage a commencé et Lazarius va faire des émules…
Sous le dicton un peu adapté « La faim justifie les moyens », le lecteur ne peut qu’éprouver un mélange de sentiment mitigé, partagé entre de la compassion pour ces paysans dans la mouise la plus complète et de la répulsion par rapport à l’acte cannibale.
On est très loin ici de l’acte du sadique psychopathe à la Hannibal Lecter qui se délecte des chairs de sa victime. Si la famille de Loverius se délecte, c’est parce qu’il n’a plus mangé de viande depuis des lustres et prend du plaisir à redécouvrir ce goût. Si le contexte économique n'en était pas arrivé à un tel point, probablement que l’idée de se sustenter du voisin ne les aurait pas effleuré (quoique parfois certains voisins particulièrement indélicats mériteraient le même sort, mais c’est une autre histoire !).
Dans une atmosphère très sombre, voire très rouge pour les passages les plus sanglants, Stéphane Perger décrit de manière réaliste, mais crue la situation de désespoir et l’instinct de survie vécue par des personnes qui ont tout perdu. La vision apocalyptique de la foire saccagée est le reflet de ces vies qui le sont tout autant…
Finalement, on en oublie que le principe de cette collection Dark Museum est d’inventer une histoire sur base d’un tableau ou d’une photo sélectionnée qui en donne une impression morbide. En fait de photo, il s’agit d’un tableau intitulé American Gothic, peint par Grant Wood en 1930. Si on a effectivement interprété ce tableau comme étant un couple de paysans de l’Iowa, il s’agissait en fait du dentiste et de la sœur de l’artiste ! De là à dire que de dentiste à dépeceur, il n’y a qu’un pas…
Au final, c’est plutôt une très chouette découverte pour le premier album d’une série prometteuse. Il semble que Gihef s’est plus investi dans le scénario de cet opus qu’Alcante, mais que la tendance s’inverse pour le prochain album. Âmes sensibles, évitez cet album et pour les autres, à lire en dégustant un bon boudin noir !