The Nice House on the Lake
Scénariste : James TYNION IV
Dessinateur : Martinez ALVARO
Editeur: Urban Comics
Ils s'imaginaient passer un chouette week-end dans une somptueuse villa en bord de lac. Onze "élus", réunis par leur ami commun, Walter, à priori doux et sympathique. Mais au terme de la première soirée, le scénario idyllique tourne au cauchemar éveillé lorsqu'ils assistent, impuissants, à la fin du monde... Depuis, chacun cherche à sa manière à déjouer les plans de leur ami-ravisseur, mais difficile de trouver un sens à l'impensable. Alliances, trahisons, pressions, crises existentielles... Pourront-ils seulement se libérer de leurs propres schémas, de leur prison intérieure ?
Quelle bombe !
Si dans un premier temps je me suis senti perdu, un peu mal mené par le flot constant d’informations, je me suis vite rendu compte que détenir toutes ces données n’était pas spécialement important. Je me suis alors laissé emporter et j’ai adoré le voyage !
Imaginez : vous avez conscience d’être en pleine apocalypse, que vos proches sont certainement annihilés, de la pire façon qu’il soit, seriez-vous prêt à être sauvé et vivre une existence de luxe, dans l’opulence la plus totale ? Seriez-vous paré à partager cette situation avec 9 autres personnes, plus ou moins de votre entourage ?
Combien de temps pensez-vous pouvoir tenir, sans que ce soit le chaos dans votre tête ?
S’il y a bien un nom qui se démarque aujourd’hui dans l’univers des comics, c’est celui de James Tynion IV, sans aucun doute. Il a cette façon bien a lui de raconter les choses, sa liste d’écrits sur lesquels il s’est fait les dents est impressionnante et ne cesse de s’agrandir ! Dans ceux que j’ai eu la chance de chroniquer, il y a Wynd, The Department of Truth, Batman Joker War et Joker Renaissance, pour ne citer qu’eux. Il a une envergure d’écriture très large et peut aussi bien conter pour les enfants que murmurer à l’oreille des parents et les faire frissonner…
Il a compris un fait que je ne peux qu’approuver moi-même : les gens se tournent de plus en plus vers des fictions ancrées dans la réalité, plus affinées. Et c’est vrai. Même au cinéma Batman n’a jamais été aussi réaliste. C’est quelque chose que je recherche et apprécie énormément et je ne peux que me réjouir de voir que des auteurs de ce niveau soient dans cette mouvance !
Si le sujet des structures qui s’écroulent revient assez fréquemment chez lui, cela découle en grande partie d’une très bonne analyse de sa part : malgré le fait qu’il y ait la guerre à nos portes, que les gens tombent malades en masse ou encore que les bourses s’effondrent, nous continuons sans broncher à suivre notre vie métro-boulot-dodo comme si de rien n’était, ou presque. D’après lui, le système tente de nous garder sur les voies pendant que notre être primitif hurle dans nos têtes de protéger nos proches. Selon Tynion IV toujours, ce grand écart d’émotions serait propice au conflit et au conspirationnisme. Sujet qui on l’aura compris, lui tient à cœur !
C’est comme cela qu’est né ce grandiose « The Nice House On The Lake ». Et cela bien avant la pandémie, deux ans pour être exact. Mais cette crise a renforcé l’idée de son scénario : nous avons fini par être enfermés dans un lieu avec plus ou moins de gens, pendant que le monde semblait s’écrouler autour de nous. Soudain, ses théories prenaient vie et il a pu les expérimenter « en vrai ».
Martinez Alvaro, s’est, pour sa part, lancé un défi de taille qu’il manqua de regretter : réaliser son encrage et passer au numérique. De son propre aveu, il a cru qu’il n’y arriverait pas et ce n’est que quand il envoya ses premières planches que son entourage le rassura sur la qualité de celles-ci. C’est un passage au dessin numérique en force et amplement osé, mais qui donne le résultat que l’on a sous les yeux : SPLENDIDE ! Pour ma part je suis très fan de son style, plutôt aérien avec cette touche néo-rétro qui va parfaitement avec l’histoire. Je suis resté bluffé par les pleines pages entre chaque chapitre, traitées comme des photos prises au flash dans le noir complet, quelle maitrise des ombres et des lumières ! Du grand art !
Alors c’est comment ? Envoutant, c’est le premier mot qui me surgit en tête. Le duo Tynion/Alvaro fait un carton sur cette série. Tant l’écriture est maitrisée avec des jeux de styles particuliers, comme l’utilisation des pages de messages ou d’email pour apporter du contenu, tant le dessin vient soutenir ce récit avec une force impressionnante. Vous vous immergez dans cette série et y restez suspendu jusqu’à la toute fin ! Fin que je délaisse à votre propre jugement, mais qui suppose une suite. Malheureusement, il ne m’est pas possible d’en savoir plus pour l’instant, la porte reste ouverte du côté des auteurs. Ça laisse un peu sur sa faim c’est vrai. Mais vu le carton, un Eisner Award de la meilleure nouvelle série 2022 et du meilleur scénariste 2022, cela m’étonnerait que le cycle 2 n’apparaisse pas bientôt… Quel suspens… À savoir que c’est aussi le meilleur démarrage d’une série de toute la carrière du scénariste.
Mon libraire m’a parlé d’horreur, mais personnellement je le classerais dans la rubrique thriller. Ce n’est pas plus horrible que ce que la jaquette annonce, l’ambiance par contre est… prenante du début à la fin ! En résumé ? Foncez ! Foncez les acheter, les prix ne sont même pas si terrifiants, pour un tel format avec de si belles couvertures, c’est loin d’être du vol, surtout avec ce qu’ils contiennent !
A voir pour en savoir plus:
https://www.actuabd.com/The-Nice-House-on-the-Lake-Genese-d-une-apocalypse-INTERVIEW