Le Mur du temps
Dessinateur : Jaouen Salaün
Scénariste : Jaouen Salaün
Coloriste : Jaouen Salaün
Editeur: Dargaud
Mon avis
Dans son intro initiale, Jaouen Salaün indiquait que cette histoire a mûri durant 17 ans pour un premier tome paru en 2020 ! Dans le préambule de ce quatrième et dernier tome, il annonce trois ans de travail accompli et donc 20 ans pour accoucher de ce fabuleux récit de science-fiction anticipation de 246 planches…
Etrange de ne pas l’avoir écrit en postface d’ailleurs car il met en garde directement « Je vous conseille de lire l’album avant ce qui va suivre… ». Cela étant, son histoire est progressivement rattrapée par la réalité que l’on vit. Les IA envahissent de plus en plus notre monde, inclus la culture, et la guerre en Ukraine ou à Gaza nous montrent trop régulièrement des attaques de drones pilotés à distance ou semi-autonome.
Suivons donc le conseil qu’il nous donne à propos de l’IA pour la culture :
Pour construire ce quatrième tome, Jaouen débute l’histoire en 2060 avec l’interview de Raymond Katsinger, à qui l’on doit les IA, la dépollution de l’air et surtout la transmutation. Patron de la société Zehus, il explique son projet de faire « naître » une IA consciente et évolutive, munie d'un corps de synthèse aux propriétés biomécaniques humaines.
Pour cet ingénieur, l’auteur s’est librement inspiré de Ray Kurzweil, scientifique américain, pionnier des IA, futurologue et icône du transhumanisme. En poussant le raisonnement au plus loin…
Même si les débuts de cette série étaient un peu complexes à suivre, car plusieurs histoires sont menées en parallèle (Zehus, le clan de Sylvio, la Data Croix, …), ce quatrième épisode nous dévoile tous les liens manquants et permet à l’auteur de finaliser pleinement le récit offert aux lecteurs. Les pièces du puzzle se mettent en place et les explications sont données quant au premier guerrier Kunhyab aperçu en début du premier épisode, ou encore le pélerin Namdak et son robot Azul venus rencontrer le clan au tome 2 et qui se révèle être aussi un guerrier dragon du Dalaï Lama ! De même, ceux qui pensaient Zehus mixé avec des extra-terrestres en sont pour leurs frais : c’est finalement Ray lui-même qui s’est incarné en Zehus par transmutation.
Personnellement, j’ai relu les trois premiers albums avant d’entamer la lecture de celui-ci, même si j’avais déjà chroniqué et plus qu’approuvé les trois premiers tomes ; si l’auteur a mis 20 ans pour finaliser cette série, en tant que lecteur je pouvais bien relire toute la série !
Et je poursuis dans les louanges méritées de ce récit de SF intelligent et brillamment construit, interpellant le lecteur, et avec une fin très humaniste et pleine d’espoir pour le clan, les Puiseurs et un 16ème Dalaï Lama. L’occasion aussi pour l’auteur de nous parler d’impermanence, le principe de finitude qui donne du sens aux choses. Ce concept qui occupe une place centrale dans la pensée bouddhique. Et qui, peut-être, nous interpelle à l’heure d’une société de surconsommation et de souhait de permanence prolongée justement…
Et le dessin ? Scénariste, mais aussi dessinateur et coloriste, Jaouen Salaün nous a offert un graphisme à couper de souffle, des planches spectaculaires et une superbe colorisation tout au long des quatre albums ! Les 6 planches de Vittorio dans les canalisations de ventilation sont oppressantes et sombres, véritable fracture par rapport aux ambiances jaunes et orangées chaudes dans le clan ou rougeoyantes au monastère de Bouddha.
Et on ne peut que rester béat d’admiration face aux deux magnifiques planches de l’affrontement pages 46-47. Bref, dessin exceptionnel!
Vous l’aurez compris, c’est un magistral coup de cœur pour ce 4ème album et pour toute la série qui doit impérativement faire partie des incontournables pour tous les fans de science-fiction… finalement pas si éloignée du réel !
A noter une exposition prévue à la galerie Huberty Breyne courant 2024…
Maroulf