- Shesivan
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JOHAN DE MOOR ET LE CHAOS ORGANISE
Bien qu’ayant le look d’Andy Warhol – Andy Waarom comme il l’apelle - Johan Willy De Moor est un fils de BD. Il est tombé dedans quand il était petit, avec son père Bob de Moor et son parrain Willy Vandersteen. Doué, il a faillit reprendre l’Alph’Art mais il s’est fait Quick et Flupke. Puis il emmêle Breughel dans sa ligne claire et crée Gaspard de la Nuit, devient plus caricatural avec la Vache… Il est aussi dessinateur de presse et son humour est corrosif.
Quand Johan fait de la peinture, cela reste de la BD… Ses toiles sont remplies de références et de phylactères pleins de mots et il y en a même qui mises bout à bout forment une histoire. Car Johan a beaucoup à raconter et comme il sait faire parler les images, il y a beaucoup à voir. Il peint à travers son œil atomic, truffe ses toiles d’allusions, mélange du Disney, de la ligne claire et des BD de bas étages dont la laideur fait leur beauté. Il nous fait des coups vache, emmêle le tout avec des petits personnages en plastique qui se baladent sur le bord du cadre, créant une dimension supplémentaire et il nous inonde avec des couleurs tapantes qui ne sont pas sans rappeler les toiles africaines. Cela fait tout à la fois penser à du Warhol, à du Lichtenstein, à du Breughel et du Magritte mais cela fait surtout penser à du Johan de Moor.
Pour le vernissage de son expo en compagnie de Al Balis, sculpteur flamand surprenant dont les œuvres, grandes pièces montées psichédéliques mettent en valeur les toiles de Johan et vice versa, De Moor avait prévu de faire son show, apparaître en combinaison et se faire décontaminer en direct mais à la place les invités ont été tous affublés de lunettes rouges.
Johan a promis d’organiser un « finissage »… Ca promet !
© Yves Declercq Johan De Moor et Andy Waarom
La peinture c’est un problème différent que la BD, c’est une manipulation différente, loin de sa petite plume. La première toile, je l’ai faite sur ma table à dessin, bien à l’aise… Mais je me suis rapidement aperçu que ce n’était pas de la peinture, ça… que j’allais mettre 10 ans pour faire 3 toiles !
Il y a ce problème de couleur, d’acte tout court, la peinture est un acte différent. La BD, c’est un scénario et un dessin qui suit. J’aime bien avoir des dénominateurs communs, savoir où je vais, j’ai besoin de raconter une histoire… Je me suis dis : occupes-toi plutôt de peinture et moins de la finition du trait. Plus tard, après l’expo, si j’en fais une autre, j’irai voir quelqu’un. J’ai envie de faire de la peinture à l’huile.
La peinture, il y a une matière, je ne suis plus dans ma BD mais j’y reste malgré tout parce que je suis enfant de ça. Je suis fasciné par le mélange de références, depuis que je suis ket j’adore le pop art.
Un catalogue de Carrefour, je trouve ça plus beau que le Louvres. Je m’y ressource. Il n’y a rien de plus beau que de visiter un Brico, le graphisme de ces magasins, les couleurs et puis les mauvais sites d’internet, j’ai comme cela mille images par jour qui passent devant moi mais je dois sélectionner…
Je ne collectionne rien mais j’ai des tonnes de m… à la maison, rangés dans des boîtes… Je trouve cela fascinant, je tiens les catalogues du Aldi, c’est magnifique ! C’est beaucoup plus lu que la page deux du Soir ! La publicité par contre je suis triste pour eux, ils manquent d’imagination, tout est photoshopé, dans les années cinquante, les types pensaient beaucoup plus ! Tout cela me passionne ! Chouette, avec la peinture je peux un peu sortir de ce que je fais en BD, m’occuper moins du scénario, du découpage, de l’histoire. C’est inné à moi-même… j’ai appelé l’expo l’Oeil atomic à cause de la bombe atomique, cette épée de Damoclès qui pendait au-dessus de notre tête quand on était ket ! J’ai 59 ans, je suis né en 53, il y a eut la crise de Cuba, la guerre froide et puis Tchernobyl. On pensait que tout allait sauter ! Et finalement, ce qui nous a rattrapé c’est le réchauffement climatique !
Dans mes tableaux, je réinvente la ligne claire, Hergé et Jacobs se font décontaminer, je fais des séries de tableaux qui se lisent comme une BD, une histoire. Je suis le filleul de Willy Vandersteen et son influence a été forte… Les Bob et Bobette ont été mes livres de chevet, plus que les Tintin… Au niveau influence on garde tous les souvenirs de son enfance à travers ses lectures, comme dit Renaud « On n’y pense pas de temps en temps mais tout le temps » et plus on devient vieux, plus cela a une importance…
Tout se passe avant dix ans, on est comme des éponges et tout ce qu’on reçoit comme iconographie joue un rôle important dans notre magie, dans ce qu’on fait, qu’on soit dessinateur ou pas ! J’ai repris des dessins de livres de géographie dans mes tableaux, ils me fascinaient étant ket, ce n’était pas bien dessiné mais il y avait une atmosphère.
Dans la peinture, l’important est dans l’atmosphère.
Comme je ne sais pas faire de collages sur les toiles, je me suis dis que je pouvais créer une troisième dimension en ajoutant des personnages en plastique sur le bord des toiles. J’organise moi-même mon petit chaos, avec mon brol, il y a à boire et à manger !
© Yves Declercq - Yslaire, Sterckx et De Moor
Petits Papiers Sablon : Johan De Moor et Al Balis : L’œil atomic et « anatomia de un instante » - du 9/5 au 2/6 (dans la crypte, vous pouvez découvrir le graphisme étonnant de Daniel Maja)