100 ans de Vandersteen. Côté francophone, une sorte de madeleine de Proust, tous ceux qui ont plus de 40 ans ont baigné dans l’univers farfelu de Bob et Bobette. Côté néérlandophone, une machine de guerre à la production inimaginable, aux ramifications incroyables. C’est simple, il EST la BD flamande !
100 ans c’est l’occasion pour le CBBD de revenir sur l’œuvre d’un de nos cinq grands maîtres de la BD belge avec Jijé, Franquin, Jacobs et Hergé.
Une grande expo rétrospective, un travail de fou confié au journaliste Daniel Couvreur (normal me direz-vous, puisqu’il est le responsable du MAD !)
(Shesivan fait le zouave avec la machine de Barrabas)
Vandersteen est une référence d’enfant, je possédais une centaine de Bob et Bobette mais aussi des Bessy, des Robert et Bertrand, des Jérôme. J’en avais aussi en flamand parce que j’allais en vacances à la côte belge dans les années 60-70.
Lorsqu’on m’a proposé d’être le commissaire de cette exposition, j’ai d’abord refusé. Vandersteen, c’est le géant de la BD flamande, je ne vais rien savoir dire de plus que les spécialistes ne savent déjà ! Mais ensuite je me suis ravisé, à cause des bons souvenirs d’enfance, je voulais aussi me rendre compte comment je voyais cela trente ans après et comment cela pouvait toucher des gens qui n’ont pas baigné dans l’œuvre, qu’ils soient francophones ou étrangers...
Je me suis amusé car il y a des pans entiers de l’œuvre qui vont en parallèle, je connaissais les albums de Vandersteen mais je ne savais rien des publications en parallèle. Il publiait deux Bob et Bobette différents dans deux journaux en même temps et quand je dis « différents » je parlais aussi au niveau du graphisme des personnages puisque le journal de Tintin avait certaines exigences que les autres n’avaient pas !
C’est un des premiers fondateurs d’un studio, comme Hergé mais Vandersteen va plus vite parce qu’il développe plus vite que Hergé.
C’est un raconteur car depuis tout petit, il ne pense qu’à raconter des histoires et parfois il invente des histoires qui deviennent des albums sur un coin de table. La facette de raconteur vient d’abord, il raconte puis dessine. Mais il ne faut pas sous-estimer son graphisme car il a été à l’académie de dessin à 14 ans ! Il traîne cette réputation d’être un moins bon dessinateur à cause du nombre d’albums produits mais quand on regarde son travail qui est 100 % à lui… C’est pour cela que j’ai inclus son travail sur sa dernière série Les Gueux à la fin de l’expo, car il est au sommet de son art, de sa technique, en pleine maîtrise et les crayonnés des planches sont à tomber… Il a un talent graphique extraordinaire…
Dès qu’il crée le studio il ne fait plus que les crayonnés et un assistant s’occupe de l’encrage, donc on ne peut plus se rendre compte de son vrai trait !
Mais c’est breughélien ! Dans son trait, on reconnaît du Cuvelier, du Jacobs, du Hergé, un petit mélange brillant et efficace…
Vandersteen n’est plus tellement connu du côté francophone… Dans les années 50 à 70, Bob et Bobette était une grosse série, mais qui a perdu beaucoup de son impact pour finalement pratiquement disparaître dans la masse. Le film sorti récemment n’a pas pu y remédier. C’est donc un des buts de l’expo : démontrer que c’est un auteur très connu et talentueux.
Par contre du côté flamand Vandersteen est incontournable. Il est la BD flamande, tout vient de lui et aussi par le fait qu’il a eu ses studios qui ont permis de former une kyrielle d’artistes. Dans l’expo, il y a une section studio sur le travail effectué sans lui, Paul Geerts a fait plus de 100 Bob et Bobette dont la plupart tout seul car Vandersteen estimait que Geerts maîtrisait son sujet. Cela démontre combien la collaboration était importante et combien de gens ont réussi à se couler dans cet univers puisque le lecteur lambda n’y voit que du feu !
Par studio, j’imaginais plus un studio à la Hergé, c’est-à-dire le maître et les « petites mains » quoiqu’il avait Bob De Moor comme bras droit. Je veux dire par là que Hergé tolérait que ses assitants travaillent avec lui sur un Tintin tandis que Vandersteen confiait souvent la réalisation entière d’un album à un assistant qu’il estimait brillant !
C’est pour cela que ses séries ont continué après son décès, contrairement à Hergé.
Dans l’expo on se rend compte qu’il y a plusieurs auteurs mais le trait est souvent noyé dans la couleur.
Vandersteen s’inspirait de tout, livres, films, séries télé, comme Bessy est inspiré de Lassie, Robert et Bertrand créé à partir d’une pièce de théâtre, Safari inspiré de Daktari, mais il parvenait à en faire quelque chose de complètement différent. Il s’est nourrit comme tous les grands auteurs et il a redigéré cela à sa manière. J’ai découvert qu’en allemand il y avait 900 titres de Bessy, alors qu’en flamand 200 ! Le public allemand était fou de Bessy, alors le studio créait une histoire par semaine en 32 pages, un rythme hallucinant ! Vandersteen est quelque part l’inventeur du spin off, il utilise ses personnages dans des séries annexes comme les Farces de Monsieur Lambique, des gags de Bobette, Jérôme le cascadeur d’or, les voyages de Jérôme. Il y a même une apparition de Sidonie et Lambique dans la famille Guignon !
Tout est dans l’expo, ce qui donne une idée de la ramification de l’œuvre.
Là où j’ai eu le plus de mal, c’est de condenser par écrit un auteur aussi prolixe que Vandersteen avec ses 1800 albums. Il y a tellement à écrire mais j’ai dû couper dans mon histoire.
Je ne regrette rien… Il y a des univers qu’on ne quitte pas… Bob et Bobette se sont arrêtés avec l’adolescence mais cela m’a donné l’occasion de replonger dedans et de découvrir les recettes de cette magie d’enfance !
Willy Vandersteen raconte…
CBBD du 12.03.13 au 01.09.13
(c) photos Yves Declercq
- Shesivan
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