ROMAIN RENARD, GUIDE DE MONTREAL, TABERNAC' !

Romain Renard, fils de Claude (c’est vous dire de qui il tient) très peu, trop peu d’albums à son actif mais de qualité. Un regard tout droit sorti d’un western spaghetti, beaucoup d’enthousiasme et de l’humour à revendre (super, son accent canadien !) Beaucoup de talent également, sinon Casterman, associé à Lonely Planet, ne lui aurait pas demandé de succéder à Pratt, Schuiten, Martin, Hyman et autres grands noms BD afin d’assurer la mise en images de ce livre de voyage consacré à Montréal. Rencontre à la galerie Petits Papiers, lors de l’exposition de ses illustrations consacrées à la Bruxelles outre-Atlantique.

 

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Sur l’invitation de mon éditeur, j’ai été invité à rejoindre la collection Lonely Planet. J’ai été aussi surpris qu’honoré de rejoindre tous ces grands noms qui figurent déjà dans la collection. On m’a proposé plusieurs destinations qui ne m’intéressaient pas en tant que dessinateur, alors j’ai proposé Montréal. Le continent américain m’intéresse par rapport à mes anciennes publications, je suis amateur de livres noires comme un Hiver de glace et j’avais envie de découvrir la mixité entre la culture française et le continent américain. J’ai envie de passer à autre chose et Montréal est une belle manière de rejoindre l’Europe par les Etats-Unis avec une province presque française…

Il y a tellement de villes différentes dans Montréal. Une ville qui me rappelle Bruxelles pour sa mixité. Il est très difficile de décrire Bruxelles en une seule phrase, contrairement à Paris ou New York. Pour Bruxelles on va identifier une manière culturelle, un art de de vivre, car au point de vue architectural… Montréal n’a pas d’identité précise mais un ensemble, dû aux différentes immigrations et aux cultures anglo-saxonnes et française très présentes. Ambiance bruxelloise, le mariage entre deux langues… Chacune défend son territoire.

Il y a la ville américaine avec ces gratte-ciels, une ville qui aurait aimé être New York mais ne le sera jamais. Et d’un autre côté une ville de quartiers. J’ai vécu deux mois dans le quartier du Plateau et j’ai redécouvert l’endroit où j’habite à Bruxelles, autour du parvis de Saint-Gilles, comme un village avec une culture communautaire.

J’ai privilégié les passants dans mes dessins parce que les habitants d’une ville décrivent le mieux son atmosphère. Les gens de mon âge, entre 35 et 40 ans, sont à moitié tatoués, ont une culture très alternative, hyper rock and roll, cool… Ma première impression a été : je suis dans une secte de gentils ! Ils ont un côté hyper civique mais ce n’est pas la Suisse, cela reste ouvert. On le ressent dans les évènements qui secouent Montréal, les dessinateurs de là-bas sont très impliqués dans la lutte des étudiants. Je ne l’ai pas vécu mais je suis solidaire. Ils sont en train de revivre leur deuxième mai 68, le printemps érable !

J’ai utilisé de l’ocre, de la terre de Sienne, de l’orange, du roux et du rouge car ce sont pour moi les couleurs de Montréal, d’un point de vue architecture mais aussi parce que c’est une ville qui n’a pas vraiment de printemps, a un automne très important.

Ce qui est paradoxal par rapport à notre pays, c’est qu’à une heure de route de Montréal, il y a une énorme chaîne de montagne. Et au nord de Québec, quand on suit le fleuve Saint Laurent, tellement large qu’on ne voit pas l’autre rive, on a l’impression d’être arrivé au bout du monde. C’est Twin Peaks ! Beaucoup de peintres s’y sont installés car c’est une région extraordinaire.

Quand on sort des villes, on est sur un autre continent, on peut s’y perdre, mourir de faim, trouver des sorcières avec des osselets, tomber sur un ours ! Mais cela paraît concret parce que c’est immense !

Y vivre m’intéresse énormément, c’est un coin qui ne me quitte plus. Montréal est une ville qui m’a marqué, marque et qui marquera encore des gens. On peut s’y faire comprendre en français comme en anglais. Québec, c’est Namur au Texas, une vieille ville avec des vieilles pierres, des charrettes, de cochers (pour les touristes) des vieilles murailles en plein milieu du territoire américain. Je n’étais pas du tout dépaysé, par rapport aux américains attirés par les vieilles villes, eux qui n’ont pas un long passé. C’est un dépaysement rassurant, c’est pour cela que beaucoup de belges et français aimeraient y aller, c’est le bout du monde et en même temps comme près de chez eux !

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 (photos JJ Procureur)

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