Je veux une Harley (la vie est trop courte) de Frank Margerin et Marc Cuadrado (Fluide Glacial)
A cinquante ans Marc Carré réalise qu’il a la première partie de sa vie derrière le dos et même plus bas, conséquence d’une coloscopie. Le temps est donc venu de réaliser son rêve et plutôt qu’une petite jeune, il craque pour une Harley Davidson, la moto par excellence. Et le voilà qui entre de plein pied dans un nouveau monde ; celui des bikers, des concentrations et des forums spécialisés, monde dans lequel il entraîne bon gré malgré sa femme, qui de temps en temps ne se gêne pas pour lui flanquer la honte. Vieux motard que jamais…
Un album sur le petit monde de la moto mais aussi sur la crise de la cinquantaine, par Frank Margerin, motard dans l’âme, qui pour la première fois accepte de faire la route en tandem avec Marc Cuadrado (Parker et Badger), scénariste et motard.
Frank Margerin :
C’est une première pour moi de travailler avec un scénariste. A l’origine, Marc Cuadrado avait été présenter son projet à Thierry Tinlot, ex rédac’chef de Spirou et de Fluide Glacial, lui disant qu’il cherchait un dessinateur. Tinlot a tout de suite pensé à moi. Je venais de finir mon troisième Lucien de suite et je voulais faire un break. Marc (Cuadrado) m’a envoyé les premières pages parlant de coloscopie et ensuite le scénario au fur et à mesure. Ces idées me faisaient rire à chaque fois. J’ai donc essayé de faire de mon mieux pour bien servir son scénario. Même que du coup on envisage une suite à notre collaboration. Pourquoi pas ?
Beaucoup de gens se reconnaissent dans le parcours du personnage. Cinquante ans c’est l’âge des bilans, on s’inquiète pour sa santé, on prend conscience qu’on n’est pas éternel. Les cinquantenaires veulent retrouver leur rêve, se faire un grand plaisir, un grand voyage, une Harley comme c’est le cas ici.
On n’aurait pas pu faire cela avec une autre marque. Avec Harley, on achète un mythe, on n’est plus fonctionnaire ni cadre, on devient un biker, l’Amérique les grands espaces, un rebelle dont les gens ont peur. On s’achète une image, un statut et on se trouve dans la peau de quelqu’un qui est vu avec autant d’admiration que de crainte. Quand on est sur une Harley il faut faire la gueule, être habillé en noir.
Les cinquantenaires bikers entre guillemets se la pètent un peu.
Mais mon héros prend bien vite conscience qu’il n’est pas un biker. Cuadrado s’est servi de son expérience personnelle, créant un récit très autobiographique mais avec un certain recul. Il n’est pas dupe qu’il y a tout un cinéma qui va avec le mythe Harley.
Mon héros est donc un plouc et sa femme lui fiche la honte, comme ce fut le cas avec Cuadrado, genre :
Le biker : ça fait combien de temps que vous faite de la moto ?
L’épouse : Nous ça fait un mois !
Le mari, gêné : Oui mais j’étais motard avant !
L’épouse : en 125…
L’histoire dépasse le stade de la moto, qui est la trame de fond. C’est une étude de comportement entre un homme et une femme, le milieu motard et les gens qui essaient de s’infiltrer là-dedans. J’ai fait beaucoup de dédicaces dans des rassemblements Harley et ils ne sont pas dupes. Ce sont des avocats, des cadres mais ils aiment bien faire peur aux gens. On met le doigt dessus et ça les fait rigoler !
J’ai plusieurs motos dont une Triumph Bonneville de ‘68, une BMW, des motos trial, mais je n’y connais rien en mécanique… En plus la mécanique me déteste, car dés que je me sers d’un tournevis il se plante dans mon doigt !
(interview réalisée en collaboration avec Edmond Morel d'Espace Livres)