"Black Squaw": Interview d’Alain Henriet, son dessinateur - 2ème partie : Black Squaw, la série

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2ème partie : Black Squaw, la série

 

Dans votre précédente série (Dent d’ours), avec Yann aussi au Scénario, vous nous aviez offert un florilège d’avions de la seconde guerre mondiale et d’avion expérimentaux.  Avec cette nouvelle série, on retrouve aussi cet amour pour les « beaux » aéroplanes des années ‘20…. Lequel de vous 2 est le plus fan d’aviation ?

Clairement, c'est Yann le vrai fan d'aviation. C'est cette passion commune pour l'aviation qui nous a fait nous rencontrer il y a 13 ans, pour faire un « Buck Danny ». C'est d’ailleurs ainsi qu'on s'est connu. Il avait à l'époque été nommé scénariste officiel pour cette série. Pendant un an, il a cherché un dessinateur pour l'accompagner dans cette nouvelle aventure et quand mon « Damoclès » est sorti, il s’est dit : « Ce gars-là, il a un trait au pinceau qui fait un peu vintage et un côté technique dans les véhicules… Il peut le faire ! ». Pendant 2 jours alors, il m'a téléphoné tout le temps. Au début, je ne voulais pas, parce que je dois bien l’avouer : je n’avais jamais ouvert un Buck Danny !

Après 2 jours, j'ai cédé, mais ce qu'il m'intéressait surtout c'était de travailler avec Yann. De là est arrivé « Dent d’Ours » car ce fameux Buck Danny ne s'est finalement pas fait.

C’est ainsi que notre aventure commune a commencé : je mets en images ce qu'il écrit et imagine, et j'ai appris à aimer tout cela car je connaissais bien moins que lui ce monde. J'ai aussi toujours aimé le côté un peu technique, organique que l’on a à dessiner des véhicules.

 

 

On est en 1920 ; Al Capone est déjà la tête de sa « petite entreprise familiale ».

Durant cette époque, Woodrow Wilson est le 28ème Président des USA. Ouvertement raciste, ségrégationniste, admirateur et soutien du KKK.  Il fait aussi passer un amendement à la Constitution des Etats-Unis qui interdit « la fabrication, le transport, la vente, l’importation et l’exportation de boissons alcoolisées ».  Ce personnage ayant marqué l’histoire des USA fera-t-il plus qu’une simple apparition (une vignette « anonyme » dans le #2…) ?

Non, je ne pense pas. Cette apparition n’est vraiment que pour situer l'état d'esprit général de l'époque, la menace de l'époque est bien plus grande… Le Klux Klux Klan n'est pas juste une bande de gugusses racistes dans un village : ça englobe tous les États-Unis et le président aussi. C'était ça à l'époque.

 

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Vous placez votre héroïne Bessie Coleman dans un contexte très compliqué pour elle : femme, métisse, pilote et louant ses services à Al Capone, elle va en même temps déclarer « sa » guerre au Grand Dragon du KKK….

Pourquoi ?  N’avez-vous pas peur que le lecteur se dise « là, c’est trop, ce n’est pas possible » ?

L'avantage de cette histoire, c'est que justement, tout est réaliste, vu qu'elle est vraie.

On n'a rien inventé, on a réajusté certains éléments, mais si on avait inventé tout cela, ce ne serait pas possible. Mais comme tout cela a existé il y a un siècle, on en a profité !

 

Outre la méticuleuse collecte d’informations historiques dont votre scénariste a dû faire preuve vous avez dû, vous aussi, amasser une masse incroyable de documentation…  (décorations, vêtements, véhicules,…) ?

J'ai toujours une ou 2 personnes qui m'aident, dont mon ami Michel Dégagnais que j'ai rencontré il y a 10 ans lorsque j'étais au Canada. C'est un vrai spécialiste d'avion, il conçoit des cockpits, pour Bombardier et c'est lui qui décide si un avion peut décoller ou pas au Canada, il a un vrai pouvoir, d’état.  C'est un énorme fan de Bandes Dessinées et un grand connaisseur d'histoire.

En fait, avec lui, je n'ai qu'à appuyer sur un bouton et il me sort toute la documentation spuhaitée. C'est une vraie machine, il est vraiment incroyable. J'ai donc Michel qui est derrière moi, surtout pour « Dent d’Ours ». Un peu moins pour « Black Squaw », car c'est un peu moins précis pour certains points.

Il y a aussi, évidemment Yann qui me fournit beaucoup d'informations que lui a cherché pour créer son scénario et qu'il me passe ensuite.

Mais il faut quand même que visuellement, je cherche tout, pour que mes scènes soient crédibles, pour les couleurs aussi.

Usagi, ma super coloriste, ne reçoit que comme indications de ma part que les couleurs « officielles » (cocardes,…) que j’ai reçu d’abord de Michel ou de Yann pour certains véhicules où costumes.

Après, je lui laisse totalement champ libre car elle maîtrise très très bien son boulot. Henriet-3.jpg

Pour représenter vos véhicules (terrestres ou aériens), vous êtes plutôt vieux livres, internet, maquettes d’avions ?

Quand je trouve une maquette d'un avion que je dois dessiner. Je l’achète car en plus il y a aussi tous les plans qui sont livrés avec. Et ça permet de bien comprendre « comment » l'avion fonctionne. Tout ce que je peux trouver, je le prends pour arriver à comprendre comment un engin fonctionne afin que je puisse bien le dessiner, le mettre en mouvement.

Yann est un scénariste très prolixe ; comment se déroule votre collaboration ?

Yann m'envoie son scénario, morceau par morceau. Au début, il me fournit 10-15 pages, ce qui me permet en fait de construire l’histoire petit à petit. Si j'avais tout d'un bloc, le bâtiment me semblerait trop gros.  En construisant brique par brique, la tâche me paraît ainsi plus accessible.
Par exemple, dans le tome 3 sur lequel je travaille déjà, j'ai toute une série de séquences qui se déroulent à des moments ou des lieux différents ; par facilité, je dessine une séquence complètement, puis elle sera morcelée dans l’album.

Avec Yann, j'ai totalement confiance en son travail et je ne me mêle pas de son scénario.

Néanmoins, il arrive qu'il change parfois certaines choses en fonction de mon dessin : Tout à coup, il va voir quelque chose qui va lui plaire. Il va me dire : « Ah mais ça, c'est super ! Il faut qu'on garde et qu'on développe. »  Il sait toujours où il va : Il réalise un scénario général de son histoire, mais il est suffisamment élastique pour modifier d'importants morceaux ; Il n'y a rien de figer dès le début.

Ainsi, dans le tome 01, j’avais dessiné 12 enfants en essayant de les différencier tous, malgré que ce ne soit que des personnages de fond d’images. A un moment donné, il s'en est rendu compte et en discutant avec lui, il m'a dit qu’il fallait absolument les garder !  De là, on a abordé le sujet de « Tom Sawyer », Un dessin animé que j'aimais beaucoup et on a décidé ensemble de garder ces enfants et de les mettre un peu plus en valeur dans l’histoire, en gardant cet esprit d’enfants libres, avec un côté « détective ».

Cette modification du scénario a apporté un côté beaucoup plus fun, une respiration dans une histoire beaucoup plus sérieuse.

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