Coup de coeur
Série: Le Tirailleur
Auteurs: Alain Bujak, Piero Macola
Editeur BD: Futuropolis
Une chronique BD: Génération BD
A l'occasion d'un reportage photo sur le quotidien d'une résidence sociale. Dreux, le photographe Alain Bujak y fait la connaissance d'Abdesslem, un ancien tirailleur marocain de plus de quatre-vingts ans. De cette rencontre entre les deux hommes est né l'album "Le Tirailleur".
Le temps d'un moment, le photographe a troqué son appareil photo pour la plume et le voilà devenu "passeur de mémoire" quand il prête une oreille attentive au vieil homme qui lui livre le récit d'une vie éprouvante.
Parti à la ville pour remplir un bidon de pétrole, Abdesslem, jeune berger de montagne, n'en reviendra que trois ans plus tard! Pour avoir admiré de trop près un camion militaire français, sa vie va basculer car le voilà lui et un ami embarqués manu militari pour le quartier militaire de Taza.
En 1939, la France a besoin de soldats et elle ne se gène pas pour les trouver dans son Empire colonial, ici au Maroc encore sous protectorat français. Le jeune adolescent Abdesslem est dès lors engagé d'office pour une période de quatre ans dans un régiment de tirailleurs marocains.
En bon petit soldat, corvéable à souhait, il fut baladé de guerres en guerres (la deuxième guerre mondiale, la campagne d'Italie, l'Indochine), d'enrôlements contraints en réengagements plus ou moins volontaires pour toucher une retraite militaire, la guerre devint son métier. En 1954, il quitte définitivement l'armée et retourne auprès des siens dans son village natal. Il reprend une vie simple rythmée par le bétail et son travail de cultivateur. Mais en 1956 lorsque la France met fin au protectorat sur le Maroc, Abdesslem voit sa maigre retraite plafonnée malgré le coût de la vie qui augmente.
Peu à peu rattrapé par le besoin d'argent, Abdesslem n'entrevoit qu'une triste échappée: résider au moins neuf mois par an seul en France pour avoir droit à une petite allocation vieillesse.
Alain Bujak dresse un portrait émouvant d'Abdesslem empreint de tendresse pour ce tirailleur. La relation de confiance et d'amitié qui s'est installé entre eux est palpable. Il y a aussi une réelle sincérité qui se dégage du récit et qui touche le lecteur en plein coeur. L'histoire fait mouche. On ne peut rester insensible face à une telle injustice et quoi de mieux que de la sortir de l'oubli.
C'est à Piero Macola que revient le soin de mettre en images le destin d'Abdesslem avec un dessin doux et léger. Le superbe crayonné tout en sobriété et le texte tout en pudeur soulèvent l'émotion. Le reportage photographique et les textes d'Alain Bujak qui clôturent l'album y sont sûrement aussi pour beaucoup.
Un livre prenant qui ne vous laissera pas de marbre!
Gladys