Decorum
Scénariste : Jonathan Hickman
Dessinateur : Mike Huddleston
Editeur: Urban Comics
L’art de l’assassinat, comme toute aptitude requérant quelque compétence, n’a rien d’inné, et tout d’acquis. Sa maitrise s’appuie sur trois piliers : l’éducation, l’application et la répétition.
J’attendais avec beaucoup, beaucoup d’impatience ce deuxième tome de Decorum.
D’une part parce que le premier numéro m’avait un peu perdu et j’errais un peu au hasard dans les souvenirs qu’il m’avait laissé… Mais en même temps, et c’est ma deuxième raison, il m’avait terriblement accroché sur la partie concernant Néha Nori Sood, l’apprentie tueuse à gage. D’une liberté graphique extrême, cette oeuvre est comme dotée d’un dédoublement de personnalité.
Il faut dire que la création a plus été une partie de ping-pong d’idées, du dire de ses auteurs, partie qui a remodelé l’histoire et les planches au fur et à mesure des échanges. Chacun y allant de sa proposition, l’oeuvre n’a jamais été figée. Cela se ressent clairement, il y a une telle liberté dans l’ensemble, que cela devient presque intimidant. Pour rappel, c’est une oeuvre d’auteur, Hickman y a été réellement de sa poche pour sortir ce diamant brut. Le nouveau format qu’Urban nous propose participe aussi élégamment à mettre en évidence l’ensemble, c’est beau et imposant.
La volonté de n’offrir que 2 tomes, soit 8 numéros aux USA, est complètement assumée par les deux créateurs. Le scénariste a une préférence nette pour les histoires courtes qui délivrent leur essence sans trop tirer en longueur sur l’intrigue. Le graphiste, lui, a tout donné, visiblement. Offrant une oeuvre intuitive, sans règles préétablies concernant l’utilisation des techniques, il s’est beaucoup amusé en évitant de réfléchir sur le pourquoi du comment.
L'ajout d’une graphiste dans le processus a aussi profondément détaillé l’ensemble. L’utilisation des schémas et graphiques sont une volonté de Jonathan Hickman, qui estime que ce n’est pas assez utilisé dans les comics contemporains. Ils sont présents comme une pause, un moment dérobé au lecteur, pendant son infiltration dans l’œuvre. Le côté graphique de la chose, l’effet « cool », a bien entendu son importance et est entièrement assumé.
Ce qui pourrait paraitre comme un délire psychotique d’un post baba cool en descente de LSD est finalement un space opéra plutôt bien foutu et qui m’aura personnellement complètement embarqué dans l’aventure ! Réfutant drastiquement le style cyberpunk, Mike Huddleston nous livre ici un dessin splendide appuyé par sa folie passagère du moment. Assis sur une intrigue bien foutue et finalement facile à assimiler (les débuts font un peu peur il est vrai), c’est avec beaucoup d’humour et une décontraction à toute épreuve que les deux auteurs nous amènent vers une fin ouverte qui me laisse espérer une suite à ce magnifique Decorum.
C’est un coup de coeur que je décerne avec beaucoup d’humilité pour ce travail remarquable, qui trônera fièrement dans ma bibliothèque.