Grendel, Kentucky
Scénariste : Jeff Mccomsey
Dessinateur : Tommy Lee Edwards
Coloriste : Tommy Lee Edwards
Coloriste : Giovanna Niro
Editeur: Delcourt
Depuis deux générations, la petite ville rurale de Grendel, située dans le Kentucky, a honoré le marché faustien qui la lie au terrible monstre qui vit dans sa mine : Un sacrifice humain chaque saison en échange d'une prospérité agraire, en ce qui concerne leurs exploitations de weed.
Depuis deux générations, la petite ville rurale de Grendel, située dans le Kentucky, a honoré le marché faustien qui la lie au terrible monstre qui vit dans sa mine : Un sacrifice humain chaque saison en échange d’une prospérité agraire, en ce qui concerne leurs exploitations de weed.
C’est exactement ce que je cherche dans les comics one-shot. Un concentré de passion, du vécu, ressentir d’abord l’envie des auteurs de se faire plaisir avant tout et bien sûr, un scénario qui se défend !
Le concept de cette nouvelle est de transposer l’essence de Beowulf1 dans le Kentucky, région minière des États-Unis, une version country noire en quelque sorte (dixit les créateurs) et duquel est tiré le titre, Grendel étant le monstre du poème original. Ajoutez une ambiance basée sur un genre grindhouse2 des années 70’, un club de motardes, un trafic de marijuana locale et une bonne dose de culture satanique. Bien entendu, la police est corrompue et le chef de la ville n’est pas forcément celui qui officie à la mairie…
Si le style graphique de Tommy Lee Edwards est rugueux et chargé, il n’en reste pas moins intéressant, parce que ce qu’il dessine, c’est son propre entourage, ses passions et son vécu. On sent son amour pour les vieilles mécaniques, les motos et les patelins reculés d’Amérique. Il y a une sorte de justesse dans son trait et une parfaite maitrise de la mise en scène, usant d’angles de vues soignés et dynamiques. Sa touche personnelle de mise en couleur pour les deux premiers chapitres (les deux derniers sont signés Giovanna Niro), finit de parfaire cette ambiance de trou perdu, où les relents des histoires du passé reviennent toujours pourrir la couche de vernis superficielle de la routine quotidienne. C’était un rêve du scénariste et une évidence de travailler avec Lee Edwards. Je rejoins ce constat, son trait colle parfaitement à l’atmosphère recherchée.
Une chose intéressante que relève la petite interview à la fin du livre, c’est l’importance qui est donnée aux sons dans les cases. Cela nous renvoie aux fameux « kapow » des débuts de Batman notamment, mais ici dans un ton plus sérieux et dramatique. Fan de musique, Jeff McComsey tenait à ce que les bruitages fassent partie intégrante de la mise en page et cela a été rendu possible grâce à la collaboration du lettreur John Workman, inclus très tôt dans la création de ce comics. C’est plutôt anecdotique au départ mais une fois que l’on connaît ce détail, on ne peut s’empêcher de retourner fouiller dans les passages pour analyser de plus près cela. J’aime ce type de subtilité !
Pour terminer, concernant l’écriture, Jeff n’est pas à son premier coup d’essai puisqu’il est à l’origine d’un comics primé à de nombreuses reprises : « Flutter » que j’espère avoir la chance de découvrir un jour. Il affectionne le fantastique et l’horreur mais ça, on l’avait déjà compris. Sa façon d’amener l’histoire n’est certes pas originale mais très bien maîtrisée et intelligente. Le placement rapide des protagonistes et du décor laisse le plus d’espace possible à l’action et à l’intrigue, qui bénéficie de plusieurs retournements de situation bienvenus et même inattendus.
La fin s’accompagne d’une galerie de planches remarquables et de quelques textes.
C’est une très belle découverte pour ma part, tant du côté du dessinateur que du scénariste. Cette œuvre trônera fièrement dans ma collection !
1. Beowulf est un poème d’exception dans le corpus de la littérature anglo-saxonne. Plutôt que de choisir un sujet chrétien, le poème retrace les hauts faits du héros éponyme, et ses trois principaux combats : Beowulf est un puissant guerrier goth (« Geat », une peuplade au sud de la Suède) qui voyage au Danemark pour débarrasser la cour du roi Hrothgar d’un terrible monstre mangeur d’hommes nommé Grendel. Après l’avoir vaincu, Beowulf double la mise en tuant la mère de Grendel, puis retourne dans les pays des Goths pour se mettre au service de son peuple et de son roi, Hygelac. Bien plus tard, après avoir succédé au monarque, il meurt lors d’un ultime combat contre un dragon cracheur de feu. ( Source: Wikipédia )
2. Grindhouse est un diptyque de films thriller-épouvante imitant le style des doubles programmes de films d'exploitation, sorti en 2007. Les deux épisodes, Boulevard de la mort (Death Proof) réalisé par Quentin Tarantino et Planète Terreur (Planet Terror) réalisé par Robert Rodriguez, devaient à l'origine être séparés par de fausses bandes annonces. Cependant, dans les pays non-anglophones, les deux parties sortent séparément, une décision prise par les producteurs, les Weinstein. ( Source: Wikipédia )