Mes héros ont toujours été des junkies
Scénariste : Ed Brubaker
Dessinateur : Sean Phillips
Coloriste : Jacob Phillips
Editeur: Delcourt
La jeune Ellie s’est toujours représentée les camés comme des romantiques. Pour elle, depuis que sa mère est morte d’une overdose il y a dix ans, âmes égarées et destins brisés sont autant de raisons qui poussent vers les seringues et les paradis artificiels. Mais rien n’est comme elle l’imaginait et quand elle atterrit en désintox, elle débute une drôle d’histoire d’amour où drogue rime avec meurtre.
Tourné à la manière d’une nouvelle, ce hors série est étonnant à plus d’un titre.
Tout d’abord, c’est le retour de l’équipe Brubaker/Phillips sans Elizabeth Breitweiser à la couleur, ici remplacée par Jacob Phillips. Et ce qui frappe en premier, c’est bien la colorisation, très pop, légèrement psyché et bien loin du style de Criminal.
Un peu déçu, il est vrai, de ne pas retrouver le trio qui a notamment brillé sur Kill or be killed mais je dois avouer qu’à la lecture, ça fonctionne plutôt pas mal.
Ensuite, c’est un univers très loin de ce qu’est Criminal, thriller sombre et brutal. Ici c’est limite l’opposé mais peut-être juste en apparence… Très vite, un spleen baudelairien* s’installe de façon inconfortable pour ne jamais nous lâcher, jusqu’à la dernière page. Cette fille, fascinée par tous ces artistes camés, Vic Chesnutt**, Keith Richards, David Bowie, Brian Wilson, Lou Reed, Billie Holiday***, Elliott Smith et j’en passe mais pas seulement musicaux avec Sartre, Van Gogh, … Elle vit avec eux depuis sa jeunesse, coincée entre une mère junkie et un père en prison. Le côté fleur bleue du comics s’évapore lentement sous ces petits détails qui embrument toujours un peu plus l’histoire.
Finalement, il faut avancer très loin dans le récit avant de comprendre où veut nous emmener ed et Sean. On s’était presque fait à l’idée de lire ici une histoire sans but précis, une nouvelle un peu triste mais malgré tout attachante. Difficile d’en dire plus sans trop en dévoiler mais cet opus cache bien son jeux!
Je me suis donc laissé emporter nonchalamment par cette histoire, sans trop chercher à comprendre. Et la conclusion en est d’autant plus surprenante. C’est un bel ouvrage, un peu « à coté de je ne sais quoi », hors des repères conventionnels attendus et en même temps emprunts de pas mal de codes propre au thriller.
Pour conclure, une belle découverte.
* Le spleen baudelairien désigne une profonde tristesse née du mal de vivre, que Charles Baudelaire exprime dans plusieurs poèmes de son recueil Les Fleurs du mal.
(Wikipédia)
** James Victor Chesnutt, dit Vic Chesnutt, est un auteur-compositeur-interprète américain, né le 12 novembre 1964 et mort le 25 décembre 2009 à Athens (Géorgie, États-Unis). À 18 ans, un accident de voiture le laisse partiellement paralysé, ce qui ne l'empêche cependant pas de jouer de la guitare. Il soutenait l'usage médical pour la marijuana, et a d'ailleurs écrit en 1998 une chanson Weed to the Rescue pour l'album Hempilation II au bénéfice du National Organization for the Reform of Marijuana Laws
(Wikipédia)
*** Eleanora Fagan dite Billie Holiday, surnommée Lady Day, née à Philadelphie le 7 avril 1915 et morte à New York le 17 juillet 19591, est une chanteuse américaine de blues et de jazz, considérée comme l'une des plus grandes chanteuses que le jazz ait connues. (Wikipédia)
Arrêtée sur son lit d’hôpital pour détention de stupéfiants, elle était morte les menottes aux poignets, la police avait forcé les médecins à ne plus lui donner sa méthadone.
(Extrait)