Série: Visa transit, Tome 2
Dessinateur : Nicolas de Crécy
Scénariste : Nicolas de Crécy
Coloriste : Nicolas de Crécy
Editeur: Gallimard
Nicolas De Crécy et son cousin Guy poursuivent leur périple entamé dans le tome 1 à bord de leur vieille Citroën Visa déglinguée, customisée avec son « radar 2000 » …
Ils quittent la Bulgarie pour, non sans difficultés, atteindre la frontière turque… Lorsqu’ils atteignent Istanbul, ils sont à la fois envoutés par la beauté des lieux, mais aussi asphyxiés par la circulation dense et désordonnée et la foule oppressante. La présence cachée de Henri Michaux, en tenue de moto renforce ce sentiment de mal-être chez Nicolas…
En quittant Istanbul et retrouvant la quiétude de la nature, les deux compères se remémorent leurs vacances d’enfance où ils avaient inventé un objet inutile appelé le Chôr… Nicolas de Crécy ne savait pas qu’il allait retrouver dans l’œuvre de Kafka un objet tout aussi futile : l’Odradek. Le voyage se poursuit, il est de bon ton de partager le thé avec la police locale pour ne pas se la mettre à dos même si ce thé est probablement à base d’eau irradiée par Tchernobyl.
Ce souvenir amène Nicolas de Crécy à se remémorer son périple en Biélorussie qu’il fera dix ans plus (en 1996) où il s’est retrouvé dans un improbable « Festival artistique international ». Dans un régime encore très communiste, Nicolas va résider dans la ville de Vitebsk, ville connue pour les séjours de Chagall et de Zadkine, auteurs censurés à l’époque pour être remis en valeur par la suite… Entre faux artistes-espions et ambiance surannée, ce séjour fut une immersion dans un monde bien particulier…
Retour en 1986, Turquie, près d’Ankara… Une pluie torride s’abat sur la route et Nicolas et son cousin n’ont d’autre choix que de passer une nouvelle nuit dans la très inconfortable visa. Pendant la nuit, Nicolas reçoit la visite des écrivains Max Jacob et Henri Michaux. Michaux, particulièrement survolté se lance dans une diatribe exaltée.
Au petit matin, il est temps de repartir…Visa transit est un album qui peut se lire à un double degré. Le premier est celui d’un carnet de voyage où deux amis parcourent leur monde à bord d’une vieille Citroën Visa pourave. En lisant cette aventure, j’ai retrouvé l’ambiance de vacances entre potes, avec cet humour un peu non-sens et même l’ambiance des pays traversés (ayant sillonné plusieurs de ces mêmes routes 6 ans après nos deux compères). La lecture est donc agréable et dépaysante ; les traits et les coloriages propres à Nicolas de Crécy contribuent à passer un bon moment de détente.
Plus abrupt par contre est le deuxième degré apporté par l’auteur lorsqu’il mêle à son périple des auteurs qui viennent s’introduire de manière imaginaire dans son voyage.
La grande présence dans le livre de Henri Michaux, poète, peintre et romancier, décédé deux ans avant le périple avec le Visa, semble témoigner de l’importance que Nicolas de Crécy porte à cet auteur. Il faut dire qu’ils semblent tous les deux avoir la passion de parcourir le monde et ont tous les deux réalisé une œuvre intitulée : Carnets de voyage ».
Est-ce que Nicolas de Crécy a voulu par ce biais expliquer que ce voyage initiatique en Visa lui a permis aussi de réfléchir aux auteurs qui l’ont profondément marqué, voire même influencé (comme semble le lui reprocher Michaux) ? Ou, tout simplement, l’auteur a-t-il voulu colorer son récit de parenthèses imaginaires pour li donner cette deuxième dimension ?
Le Visa transit ne semble pas être juste une Citroën Visa qui permet de passer d’un pays à un autre, elle permet également de transiter par des mondes imaginaires et créatifs qui font que chaque artiste, plus ou moins consciemment, va être influencé par d’autres et en sera marqué parfois profondément…