Ennemi du peuple
Dessinateur : Vittorio Giardino
Scénariste : Vittorio Giardino
Coloriste : Vittorio Giardino
Editeur: Casterman
1950 : le régime communiste stalinien est bien implanté à Prague et la chasse « aux sorcières » (juifs, opposants au parti,…) bat son plein.
Accusé d’être un opposant au parti et d’espionnage, le père de Jonas Fink, éminent médecin, va être victime de cette traque tous azimuts et se retrouver dans une prison secrète, interdit de tous contacts. Jonas va donc se retrouver « orphelin », sa mère essayant tant bien que nouer les deux bouts.
Pire, considéré comme le fils d’un traître, Jonas va être mis au ban de ses camarades de classe (excepté son copain Jiri qui lui restera fidèle) et on va lui interdire de poursuivre ses études alors qu’il est un élève brillant car il n’y pas de place à l’école pour les fils de la bourgeoisie réactionnaire.
Jonas va obtenir un petit boulot de livreur pour une couturière mais ses pulsions adolescentes ne résisteront pas aux attraits opulents d’une des clientes. Mais cette pulsion sera vite refoulée avec l’arrivée du mari de cette dernière ; ce qui lui vaudra d’être viré. Les affaires ne s’arrangent pas non plus pour sa mère qui se fait virer de son logement suite aux loyers impayés et trouve refuge chez une amie.
Casterman a eu la bonne idée de rééditer en une intégrale surnommée « L’ennemi du peuple » les deux albums »L’enfance » et « L’apprentissage » parues initialement dans la collection à Suivre en et publiées respectivement en 1994 et 1997.
Dix ans après, ces albums n’ont pas pris une ride. Il faut dire que le talent de Vittoria Giardino est immuable et décrivait déjà à l’époque le climat d’oppression du régime communiste sur la Tchécoslovaquie entre 1950 et 1968.
Il met en relief la vie d’un jeune homme qui, avec ses défauts et ses qualités, subit le joug du régime totalitaire et en fait particulièrement les frais en raison de l’emprisonnement de son père.
Cette histoire rappelle également que des auteurs comme Kafka étaient censurés car on estimait qu’ils ne véhiculaient pas les valeurs du parti, cela au grand dam des personnes littéraires qui y voyait la mort d’un esprit critique. La délation était encouragée et bien organisée. La plupart des faits décrits ont moins de 50 ans et on ne peut pas exclure que certains de ceux-ci soient encore en activité en union soviétique quand on voit le sort réservé aux opposants du parti au pouvoir.
Au final, Giardino signe un album très fort, bien documenté, à mettre dans toutes les mains et en particulier de celles des personnes qui seraient tentées par le retour d’un régime fort et antidémocratique.