Tintin au pays des Soviets
Série: Tintin #1
Auteurs: Hergé, Michel Bareau, Nadège Rombaux
Editeur BD: Casterman
Une chronique BD: Génération BD
L'histoire:
Tintin, reporter du Petit XXème est envoyé en reportage à Moscou. Accompagné de son fidèle Milou, il échappe de peu à un attentat dans le train et est arrêté dès son arrivée à Berlin. Il s'échappe de sa prison et s'enfuit à bord d'un side car, puis d'une voiture, est embouti par un train et est à nouveau arrêté à la frontière russe cette fois. Mais là bas, le commissaire du peuple le laisse repartir car le Guepeou (police secrète de Moscou) préfère voir le journaliste disparaître dans un "accident".
Mon avis:
On a beaucoup entendu parler de ce "nouveau" Tintin. Moulinsart et Casterman ont communiqué très efficacement à ce sujet et nous sommes allés nous aussi à la journée presse du 9 janvier dernier pour la présentation officielle de l'album colorisé (voir reportage ici). Le tirage standard est de 300.000 exemplaires + 50.000 exemplaires version luxe (version plus grande, couverture alternative et une préface de 16 pages supplémentaires ).
J'avais lu cet album en noir et blanc (version Archives évidemment, avec aussi Totor CP des Hannetons) chez mes parents il y a 35 ans, et cela ne m'avait pas laissé un souvenir impérissable. Déjà, noir et blanc pour un enfant de 10 ans, cela parle moins. Bien qu'adorant Tintin et ayant relu les albums des dizaines de fois, je ne me souviens pas avoir relu "Tintin au pays des Soviets". D'ailleurs Hergé lui-même estimait qu'il s'agissait d'une oeuvre de jeunesse (il n'a que 20 ans!) et il n'a jamais pris le temps de le redessiner et coloriser comme lui et son studio l'ont fait pour les autres aventures (Tintin au Congo, Tintin en Amérique, les Cigares du Pharaon...). Il a cependant très fortement insisté auprès de Casterman pour que cet album puisse paraître à nouveau en 1973 dans les "Archives Hergé" car très peu de lecteurs avaient eu l'occasion de lire ce premier album (10.000 exemplaires seulement en 1930!).
La version colorisée sortie actuellement m'a permis de me replonger dans la lecture de cette histoire de 144 pages (sic!). On y découvre que Tintin n'a au départ pas la houpette vers l'arrière, mais que cela apparaît seulement en page 7 lorsque Tintin fonce au volant de sa voiture; Hergé conservera ensuite cette marque de fabrique à son héros. La lisibilité de l'histoire est aisée, plus simple que la version noir et blanc, et j'y ai découvert des notes d'humour peu habituelles chez Tintin (il se couvre pour ne pas attraper froid en dormant dans l'eau des égouts p 44, il fait courir un moujik pour l'essoufler et qu'il puisse regonfelr son pneu crévé p 61). Certes, l'arrivée future des Dupont, du capitaine Haddock et également les aventures de Quick et Flupke permettront à Hergé de conserver un côté amusant et humoristique, mais on voit généralement Tintin comme quelqu'un de sérieux, ne maniant pas l'humour ou la sitiation burlesque. De même, Tintin qui boit à en devenir saoûl, ce n'est pas courant et ne corresond pas à l'image que l'on a de ce héros des 7 à 77 ans.
Certaines pages colorisées m'ont fait penser à des histoires ultérieures de Tintin; ainsi page 121 lorsque Tintin est enfermé dans la cave rappelle un passage de "L'île noire" et page 124 Milou déguisé en tigre fait penser à "Tintin au Congo" dans la savane. Egalement page 125, les animaux sont un parallèle frappant avec les histoires de Benjamin Rabier (Gédéon).
A noter également que cette version colorisée correspond exactement à l'édition de 1930. En réalité, dans la publication dans le magazine "Le Petit Vingtième" en 1929, il y avait une page supplémentaire, oubliée dans la mise en album de 1930, mais pourtant bien présente dans la version parue en 1973 dans les Archives Hergé; ainsi, la planche entre page 97 et 98 n'est toujours pas présente ni colorisée dans cet album, on ne la retrouve que dans le tirage de luxe sous forme d'une planche additionnelle en exlibris numéroté (Le Petit Vingtième n°60 du jeudi 25 décembre 1929).
Bref, même si l'aspect mercantile et financier est bien présent avec la sortie de cet album, inutile de le nier, c'est un album intéressant à relire pour les nostalgiques, qui par ses couleurs rend la lecture plus aisée, mais qui reste assurément une oeuvre de jeunesse: décalée et désuète par rapport à aujourd'hui. On trouve aussi dans cette grande course poursuite un tas de situation tout à fait invraisemblable (Tintin sait tout faire et ne se blesse jamais...).
On doit pardonner à Hergé la fragilité de son trait (bien que l'évolution de Tintin se marque entre le début de l'histoire et ce déjà au-delà de la page 20) même si on découvre déjà les éléments qui feront son succès ensuite: l'action et le dynamisme, le mouvement, l'incrustation au plus juste dans l'époque traitée (notamment sur base d'une large documentation). Pour ses histoires, Hergé s'est notamment inspiré du périple de Palle Huld, un jeune Danois ayant gagné un tour du monde à l'occasion des 100 ans de la naissance de Jules Vernes; même la tenue du Danois aurait inspiré Hergé (casquette, manteau et culotte de golf). Mais ce n'est certainement pas encore "la ligne claire" dont il sera le porte étendard.
Mais peut-être cet album permettra-t-il aux plus jeunes de se plonger dans l'oeuvre d'Hergé et les inciter à lire les autres aventures de Tintin, en plus de celles des "Boule & Bill", "Kid Paddle" et autre "Cédric" plus prisés actuellement.
Bande annonce: ici
Maroulf