En cette période de rentrée(s), la galerie Champaka inaugure une nouvelle exposition intitulée Sentiers Nocturnes due au talent d’Antonio Lapone. Ce bédessinateur, illustrateur, graphiste et designer turinois établi en Belgique est un grand admirateur d’affichistes comme Savignac et Capiello mais aussi de l’expo 58. Son trait quitte peu à peu celui de ses inspirations atomistes, Clerc et Chaland, pour aboutir à sa propre géométrie toute en angles et en courbes élégantes, servis par de grands aplats de couleurs.
Sentiers Nocturnes démontre qu’Antonio est aussi à l’aise dans le petit format de la bande dessinée que dans le XXL des tableaux exposés, présentant d’élégantes beautés glacées, sosies des blondes muses d’Alfred Hitchcock ; Grace Kelly, Kim Novak ou Tippi Hedren… Femmes nichées dans d’élégants intérieurs avec vue sur le Manhattan de la nuit, tantôt posant, prête à vaincre la nuit de par leur beauté conquérante, tantôt cocoonant en simple blouse et corsaire, pelotonnée dans d’épais coussins à rêvasser sur quelque mélodie nocturne.
Car ces chemins de la nuit sont avant tout musicaux…
Sentiers Nocturnes est le nom d’une émission de radio italienne qui passe sur les antennes à minuit et propose une musique qui est moins accessible en journée. J’ai créé le personnage de Maxine - titre d’une chanson de Steely Dan dans l’album The Nightfly – jeune femme qui sortait chaque nuit – que j’ai publié sur la page facebook de l’émission. Quand Eric (Verhoest) m’a demandé de faire une exposition, j’ai réfléchi à un concept. De l’art déco ? Des pin ups ? Tu es vite catalogué ! Je lui ai proposé Sentiers Nocturnes, une balade dans la nuit, dans les clubs, New York, des femmes, de la musique. J’ai demandé l’autorisation au DJ italien pour utiliser le nom et il m’a écrit l’introduction à mon catalogue. Il m’a proposé une playlist pour m’inspirer. Nous avons fait une émission spéciale ensemble. La musique est donc le fil conducteur de l’expo. D’ailleurs chaque tableau, chaque illustration porte le titre d’une chanson…
J’ai décidé que les femmes qui hanteraient mes tableaux ne seraient pas des canons mais plutôt inaccessibles, distantes, des fantasmes à la Kim Nova, belles et magnifiques. Pas des vamp à la Marilyn, un côté froid. D’ailleurs face à elles, les hommes en smoking, ces crooners machistes à la Sinatra, se sentent fragiles et tendres.
J’ai commencé par dessiner ces femmes avec des bijoux et comme Virginie (la Virginie des étains de Virginie, épouse d’Antonio) était en train d’en fabriquer pour Béatrice Tillier et Ana Mirallès (Djinn) nous nous sommes dit que nous pourrions très bien ajouter de vrais bijoux aux tableaux. Il a fallu trouver la méthode pour que cela ne fasse pas un gros truc en relief, quelque chose qui suive l’élégance du graphisme.
En voyant la galerie, je me suis rendu compte qu’il y avait des espaces importants et que l’endroit me permettrait de me lâcher, d’en faire plus. C’est ma première expo thématique, alors je n’allais pas mettre des fonds de tiroir ! Sentiers Nocturnes m’a pris un an, six mois de travail et six mois de réflexion, de croquis… C’était très difficile de ne pas pouvoir montrer ce que je créais, je devais modérer mon enthousiasme car je tenais à ce que tout cela reste secret…
Pour le catalogue édité par Champaka, je me suis occupé de tout, étant graphiste. J’ai créé le parcours de lecture, parcours que l’on retrouve dans l’exposition. D’ailleurs, le dernier tableau à contempler est celui qui représente le matin !
Exposition Sentiers Nocturnes à la galerie Champaka, rue Ernest Allard 27, du 5 au 29 septembre 2012. http://www.galeriechampaka.com/
(Photo-JJProcureur)