Interview de Xavier Coste pour SCHIELE VIVRE ET MOURIR (Casterman)

L’informatique et Internet a ceci de bon : les dessinateurs de BD ne doivent plus démarcher auprès des maisons d’éditions avec leur imposant portfolio sous le bras, attendre des heures en se rongeant les ongles jusqu’à la deuxième phalange que quelqu’un daigne les recevoir et devoir essuyer moults ricanements et critiques enragées se terminant par un NIET qui leur feront quitter les lieux la tête basse et le rouge au front sous le regard hautain de la standardiste. C’est donc sous forme de courriel que Xavier Coste s’est adressé à Reynold Leclercq, libraire bien connu et éditeur de la maison Casterman. Agé de 22 printemps à peine, ce jeune homme fraîchement diplômé de la prestigieuse maison Peninghen - laquelle lui a enseigné le graphisme tout en dédaignant la bande dessinée - a pu publier sa première BD. Une biographie consacrée à Egon Schiele, peintre autrichien maudit dont la conduite borderline le fit passer pour un Sid Vicious du début du XXème siècle...

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Je suis passionné par la peinture et j’admirais Schiele sans avoir entendu parler de sa vie. Son histoire est intéressante, cela aurait été dommage de passer à côté d’un tel sujet. Mon style graphique est très anguleux et j’avais eu dans l’idée de reprendre le style de Schiele mais cela aurait manqué de modestie et ma BD aurait résonné comme un pastiche. C’est donc au niveau des couleurs que j’ai travaillé, reprenant les tons bruns et pastel de ses dessins et tableaux. C’était un projet difficile à vendre, un risque. Casterman a demandé le découpage complet, le story-board avant de signer le contrat. Au début, je pensais travailler avec un scénariste, mais comme c’était un sujet vraiment personnel… J’étais plongé entièrement dans mon sujet, j’avais besoin de ressentir. J’adore ce qu’il a fait, un auteur jeune comme moi… Surtout le côté inattendu du personnage, le fait qu’il meure si jeune. Pour lui la prison est une transition dans sa vie et plus rien n’a été pareil lorsqu’il en est sorti. Pourtant il n’y a passé que quelques semaines, mais il s’est mis dans la peau d’un martyr. Il en voulait à la terre entière, il pensait que tout le monde le jugeait alors que c’était une petite prison perdue dans la campagne. J’ai été visiter cette prison, un lieu très confidentiel, à peine trois cellules minuscules. Les dessins faits sur place ont été exposés, rien n’a changé par rapport au siècle dernier. Je me aussi suis rendu à Vienne pour voir ses tableaux, cela m’a fait un choc. Il est exposé dans des musées immenses !

 

Etonnement j’ai trouvé très peu de documentation sur l’homme, il a laissé énormément de trous dans sa vie, sur lui-même et ses multiples compagnes. Au départ c’était un ami de Klimt mais c’est vite devenu ambigu, Schiele donne l’impression d’avoir utilisé cette relation à son avantage.

A la fin de sa vie, il a finit par se ranger, même artistiquement il s’est calmé, finies les grosses dépenses et la pornographie. Dans la première partie de l’album il apparaît comme un salopard mais j’espère qu’on éprouvera un peu de tendresse pour lui.

Je travaille actuellement sur une biographie d’Arthur Rimbaud, une BD de 120 pages qui me prendra plus d’un an. Casterman vient de donner son accord. J’aime traiter les personnages aux antipodes de ce que je suis, des personnalités très complexes…

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