Interview BD:
Juan Diaz Canales
scénariste
à l'occasion de la sortie des "Praticiens # 2"
et de la prochaine sortie de
"Blacksad # 4"
.
« L’Enfer, le silence » le Blacksad nouveau, est sans doute l’album le plus attendu de l’année… La nouvelle enquête du félin privé nous fait "poirot"er depuis matousalem )
Promis juré, ce sera pour la fin de l’année. Anticipant le raz de marée médiatique, Shesivan s’entretient avec son scénariste, Juan Diaz Canales, également heureux géniteur du délirant « Patriciens » .
Shesivan : Les « Patriciens raconte l’histoire d’un auteur qui se laisse envahir par ses personnages… Il y a un peu de « Part des ténèbres » de Stephen King dans les « Patriciens » non ?
Juan Diaz Canales : Sais pas… Je n’ai jamais lu un bouquin de Stephen King. En tout cas, je crois qu’écrire sur la relation entre un auteur et ses personnages est très récurrent. A ce sujet, je me rappelle notamment d’un roman de Miguel Unamuno qui s’appelle « Niebla », qui m’a beaucoup marqué au temps du bac.
Sh : Stephen King est passionné par la création et ses dérivés (psychologiques) puisque ses personnages principaux sont pratiquement toujours des auteurs… Avez-vous déjà eu le sentiment qu’une de vos créations prenait le dessus sur vous, que c’était elle qui orientait l’histoire et non vous ?
J.D.C. : Ben oui. Ça arrive toujours et ça fait plaisir. A un moment donné, c’est la preuve indéniable que les personnages et leur univers ont la cohérence souhaitée. Quand l’ensemble a de la cohérence, le récit paraît se construire de façon automatique. Mais pour en arriver là, il faut avoir travaillé beaucoup le fond du récit…
Sh : Vous passez avec aisance du polar hard boiled (Blacksad) à l’humour parodique (plutôt débridé) ?
J.D.C. : Ça ne me pose pas beaucoup de problèmes. J’ adore le polar mais aussi l’humour. L’humour, genre en apparence simple est un truc difficile à écrire. En tout cas, on s’est bien amusés, Gabor et moi, en faisant les Patriciens. On espère que les lecteurs s’amuseront aussi !
Sh : Vous travaillez toujours dans l’animation ?
J.D.C. : Oui, je fais parfois des story-boards pour des long-métrages et des séries d’animation.
Sh : Quel est votre regard avez-vous en tant que scénariste sur la BD faite par informatique ?
J.D.C. : Si on parle de l’informatique comme outil de travail, je trouve cela une superbe aide. C’est sûr qu’il y a des BD minables et d’autres géniales faites à l’ordi. Mais comme toujours, le problème c’est l’artiste, pas les moyens mis en oeuvre. Et on peut dire de même pour certaines BD faites de façon traditionnelles..
Sh : Pourquoi cinq ans entre Blacksad IV et le Blacksad III ?
J.D.C. : On oublie souvent que derrière les albums il y a des personnes qui les font. Et ces mecs, les auteurs, ils ont parfois des nombreux fronts de bataille. Pas seulement côté boulot mais aussi coté personnel, familial, etc. On n’a arrêté pas durant ces années, Juanjo (Guarnido) et moi, de travailler sur d’autres projets d’animation, des BD (Les Patriciens, Sorcelleries et Voyageur). Nous avons chacun trois enfants !!! De toute façon, nous regrettons aussi cette longue absence. Nous adorons Blacksad et il nous manquait. Nous voulons dorénavant réduire le temps entre albums, c’est promis !
Sh : D’où vient le nom Blacksad ? A qui pensiez-vous lorsque vous avez créé Blacksad ?
J.D.C. : Le nom Blacksad est la traduction d’une expression espagnole qui évoque le chagrin le plus profond: « la pena negra » (« la tristesse noire » en français et « the black sad » en anglais) J’ai pensé que ce nom décrivait très bien l’esprit du personnage et puis… ça sonne cool !
Sh : Ne trouvez-vous pas que Blacksad ressemble à Batman ? La série, le découpage de l’action a un côté comics ? Un style qui vous a influencé ?
J.D.C. : Oui, il y a du Batman en Blacksad. C’est peut-être le seul personnage de comics qui m’attire, notamment les comics de Neal Adams et Denis O’Neil, mais surtout les histoires de la série d’animation menée par Paul Dini et Bruce Tim que je trouve superbe à tous niveaux. On place toujours un petit clin d’œil à Batman dans chaque album de Blacksad, à vous de le trouver !
Aussi, il y a pas mal des grands comics qui nous ont marqué, Juanjo et moi, comme Born Again, Watchmen, Dark knight, Batman, Year One, etc…
Sh : Savez-vous que le nouveau Blacksad est sûrement l’album BD le plus attendu cette année (en Belgique) ?
J.D.C. : Mais non ! Quelle belle surprise …et quelle responsabilité !
Sh : Pourquoi avoir représenté Blacksad en chat ? Est-ce que ce n’est pas plus compliqué de faire une série animalière qu’une série avec des humains ?
J.D.C. : C’était plus compliqué mais aussi plus passionnant. C’était un pari risqué, mais pour moi en tant que scénariste, je voulais expérimenter les possibilités que le polar- animalier m’offrait. Et côte graphique, Juanjo adorait dessiner des animaux et d’ailleurs il les dessine vachement bien !
Sh : Vous savez qu’en Belgique nous avons aussi un personnage de BD, le Chat, qui est très connu ? Et qui ravage la France ? Son auteur est même entré dans le Larousse !
J.D.C. : Je le connais, même si malheureusement en Espagne il n’est pas ou à peine connu. Evidemment, les chats sont les animaux les plus populaires de la BD. Il y a un livre de Julien Derouet sur cet thème que je vous conseille. Il s’appelle « Le Chat dans la BD »
Sh : Côté marchandising, ne pensez-vous pas que la production de trop de statuettes Blacksad tue la poule aux oeufs d'or ? La multiplicité des résines et autres pixis pour "seulement" 3 albums parus, cela fait un peu beaucoup...
J.D.C. : On n’a vu jamais la production des bustes et statuettes comme un vrai business. Il ne s’agit pas d’une superproduction à grande échelle de jouets, porte-clefs, tasses et tout cela… En fait, tous est presque fabriqué par Attakus, avec la supervision directe de Juanjo. Ce qui nous plaît est la très bonne qualité des statuettes. Chez Attakus, il y a des grands artistes sculpteurs qui font des beaux objets et pas un merchandising banal pour MacDO.
Finalement j’imagine que si les statuettes ne se vendront plus, la production s’arrêtera, bien évidemment. Mais pour l’instant, elles ont les faveurs du public qui les adore et en redemande.
Shesivan
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