Interview BD:
Mathieu Sapin
scénariste
Série: Paulette Comète # 1
Editeur: Dargaud - Poisson Pilote
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Mathieu Sapin est sans nul doute un auteur comblé et fort occupé : rien de moins que 4 bouquins à son actif depuis le début de l'année... Shesivan a réussi à lui voler 5 minutes afin qu'il réponde à quelques questions par mail.
Shesivan : Paulette Comète n’est pas née dans une rose ni dans un chou mais entre les pages d’une BD ?
Mathieu Sapin : Paulette est née sous une première forme dans les pages d’un comic book publié chez Le Cycliste qui s’appelait « l’Oreille Gauche ». Un truc très sérieux avec un jeune type qui tombait amoureux d’une super-héroïne de papier qu’il retrouvait tous les mois en achetant son magazine. Il y avait un système de BD dans la BD. C’était supposé se passer aux Etats-Unis d’Amérique et la superhéroïne s’appelait ASTRA. J’avais prévu de développer le personnage pour une série en albums que j’ai proposé à différents éditeurs mais qui n’a pas trouvé preneur. Au même moment je developpais Supermuregeman chez les Requins Marteaux puis chez Poisson Pilote. Du coup, Paulette est revenue sous forme comique chez les Requins Marteaux puis Poisson Pilote.
SH : Comment et pourquoi Christian Rossi ?
MS : Christian est venu me voir alors que nous étions en signature au Salon du Livre de Paris, c’était il y a trois ans. Il m’a dit plein de choses très gentilles à propos de Supermurgeman (une de mes séries publiée chez Poisson Pilote et chez les Requins Marteaux) et m’a proposé tout simplement de faire un album avec moi. C’était très inattendu et valorisant pour moi, qui avais adoré ses Jim Cutlass, La Gloire d’Héra et plus récemment WEST. J’ai cru tout d’abord à une blague tant son registre habituel me semblait éloigné de mes histoires mais il m’a fait comprendre qu’il était bien sérieux. Je me suis donc mis au travail.
SH : Qu’est-ce qui l’a séduit dans votre projet ?
MS : Rossi m’a demandé d’écrire comme je le fais pour moi. Ce qu’il voulait c’était une sorte de récréation, un projet léger et amusant qui vienne en contrepoint de sa série maîtresse WEST qui est très intense et exigeante. Pour pouvoir écrire comme je le fais d’habitude j’ai donc décidé de reprendre un de mes personnages et mon choix s’est porté sur Paulette. J’avais très envie de proposer un personnage principal féminin à Christian car je trouve qu’il dessine admirablement les femmes et que jusqu’à présent ses héros étaient plutôt des hommes (si on excepte Tirésias qui est un cas particulier ou Kathrin dans WEST mais qui n’est pas l’héroïne principale) et que ça pourrait être amusant de voir ce qu’on pourrait faire avec une héroïne étudiante et ingénue. Il a tout de suite adhéré et ensemble on a développé le personnage qui a pas mal évolué depuis le début de sa carrière. Sous le pinceau de Rossi, Paulette a gagné en douceur, en ingénuité et bien sûr en sex-appeal…
SH : PC me rappelle les aventures de « Line »… Ca vous rappelle quelque chose ?
MS : Je ne connais pas « Line » mais consciemment ou inconsciemment Paulette Comète a été influencée par de nombreux personnages. Le « Spirit » de Will Eisner est une de nos influences revendiquées. On m’a parlé de Fantômette de Georges Cholet, de Barbarella, de Bat Girl et de pas mal d’autres personnages de bande dessinées et de comics dont j’ignorais l’existence (Black Canary par exemple…). Du moment que l’on fait de la Bande dessinée et fortiori une sorte d’hommage aux comics américains ont joue avec des règles, avec des récurrences. J’aime ça, j’aime jouer avec les codes pour mieux en prendre le contre-pied. Pour autant je ne prétends pas connaître très bien les comics de super-héros, j’ai lu les classiques mais guère plus. Je sais que les choses ont pas mal évolué dans ce domaine et j’ai beaucoup de retard à rattraper.
SH : Comment cela fait-il que les Français ne soient pas foutus de faire des comics sérieux (cfr Superdupont) ? C’est parce que ça s’appelle comics ?
MS : Au cinéma comme en bande dessinée, l’Amérique fait rêver et les super-héros américains n’échappent pas à cette règle. Je ne me prononcerais pas pour la Suisse et la Belgique mais je pense qu’en France on est plus cynique et qu’on a du mal à considérer les super-héros avec sérieux qui plus est sur notre sol. Un super-héros qui soulève une buick c’est plus classe qu’une clio, c’est comme ça. En revanche on s’attache plus aux anti-super-héros. Vous citiez Superdupont de Solé et Gotlib, on peut dénombrer de nombreux autres super-héros ridicules chez Margerin, chez Zep, chez Bouzard et bien d’autres. Ce doit être une spécialité française, ou du moins francophone (Suisse, Belgique…)
SH : Saviez-vous que FLU était implanté à Bruxelles (photo suit) ?
Faut-il avoir peur ?
MS : Non, effectivement c’est inquiétant…
SH : Peter Parker vit aussi chez sa grand-mère… Paulette aussi. Ca ne vit que chez les vioques, les super héros ?
MS : Pour moi, c’est une manière d’infantiliser un peu plus notre personnage. On a l’impression que Paulette vient de naître, elle découvre le monde et les sentiments humains. Sa grand-mère est une grand-mère d’un autre temps, la seul intrusion du monde moderne dans leur intérieur provient de la télévision comme chez les très vieux. Ça m’arrange bien comme ça.
SH : J’espère que cet album ne restera pas un one shot ?
MS : Certes non. Assez vite on a convenu d’embrayer sur un deuxième volume et sans doute un troisième. « PAULETTE COMETE, Reine des gangsters intérimaire » est en cours d’écriture et on s’amuse beaucoup à faire ça !
(Propos recueilli par Shesivan Ouragan, chroniqueur à mi-temps)
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