C'est trop tôt, beaucoup trop tôt, mais qu'importe... Le chasseur est là, et les enfants du pensionnat s'enfuient devant les chevaux lancés à leur poursuite. Pas un n'échappera aux filets qui les arrachent impitoyablement à la forêt qui les a vus grandir, pas même Nel, qui s'était pourtant jurée de ne jamais quitter Ulysse, son animal totem, ni la ville basse où elle a été élevée. Emmenée de force dans la ville haute, elle ne pense qu'à retourner d'où elle vient. Saura-t-elle écouter les pies qui ont bercé son enfance et retrouver le monde qui la hante ?...
Poésie fantastique, fable onirique, parcours initiatique, Daria Schmitt nous revient avec un vrai faux conte de fée mais pas pour les enfants. Finies les architectures alambiquées et les eaux montantes, nous voilà plongés dans la forêt où s’entremêlent animaux et enfants… Jusqu’à l’arrivée du chasseur… J’imaginais la jeune architecte vouée à l’oubli après le brillant Acqua Alta, épaulé par François Schuiten, là voici qui réapparaît et surprend avec un one-shot d’une qualité irréprochable, d’une grande finesse, tendresse du trait et des couleurs à ravir.
Daria Schmitt a d’abord été exposée à Paris, à la galerie du 9 ème Art, avant de franchir la frontière belge et d’être accroché aux cimaises de la libraire-galerie Brüsel.
http://www.galerie9art.com/
http://www.brusel.com/expo-vente-dedicace-daria-schmitt-larbre-aux-pies-15-novembre/
Daria Schmitt parle de son œuvre :
L’Arbre des pies raconte ce passage à l’âge adulte, un travail que j’ai fait en en collaboration avec le dramaturge et scénariste de BD Vincent Zébus, un travail spécial… nous avons œuvré ensemble sur l’histoire échangeant nos idées, comme un jeu de pingpong, proposition et contre-proposition. Je lui ai apporté l’univers que je voulais développer, et lui y insérait une trame. On s’est refilé le scénario, l’un l’autre.
C’est vrai que j’ai une relation spéciale avec les gens qui travaillent avec moi, comme François Schuiten, que je considère comme mon parrain : Schuiten. Pour mon premier album, je n’avais jamais fait de BD, je venais de l’architecture, et c’est François qui m’amené à travailler le dessin à une échelle différente, le dessin narratif… Il m’a vraiment épaulé, guidé pour Acqua Alta.
L’arbre des pies est plus distinct de l’architecture, j’avais envie de travailler à l’échelle des personnages plutôt qu’à l’échelle d’une ville comme dans Acqua Alta. Le style change parce que j’ai besoin d’un univers assez dense, touffu… Les couleurs sont importantes, la signification de l’album changerait sans les couleurs, c’est un conte dissonant, un livre d’image décalé, la douceur des tons avec un propos pas sucré, quelque chose qui m’aide à mettre en discours l’image.
Les pies pour moi sont graphiquement très tranchées : noir et blanc, correspondant au manichéisme des enfants qui ont des idées très tranchés : tout est noir ou tout est blanc. C’est l’idée du personnage principal : Nel. Les pies sont les narratrices qui racontent. Dans mon enfance, j’ai vécu près d’une forêt où ils y avaient des pies partout, qui se mêlaient de tout, toujours présentes… Ce sont des animaux sociaux, qui parlent pendant des heures, des très bonnes narratrices, à qui il fallait couper la parole comme le fait le personnage principal. La pie est une fouineuse, pas une voleuse…
Je mélange les contes parce que c’est le personnage principal qui mélange, elle a entendu beaucoup de contes que les pies racontent, ce sont elles qui racontent toutes les histoires aux enfants et Nel quand elle raconte, elle mélange tous les contes… Les références directes à Ulysse sont pour appuyer l’histoire d’un retour impossible comme son histoire. Il y a aussi Pinocchio avec l’histoire de la transformation, il y a des références à un tas de contes, une louve, un chasseur qui ressemble à celui de la belle et la bête, c’est assez symbolique. Le loup est l’habitant par excellence de la forêt, le cochon est lié avec Circé, la transformation, c’est lié à l’adolescence. Le cochon de Nel est le cochon blanc qui devient l’homme au masque de cochon qui devient l’univers de Circé qui menace toujours de transformer les hommes en cochon. Les autres ne sont pas symbolique c’est la relation entre l’enfance et l’animal que j’illustre, une relation directe des enfants à leur monde imaginaire illustré avec ces animaux-là. Tous les hommes sont masqués, c’est la vision de Nelle, la vision d’un enfant qui n’entre pas en relation avec le monde des adultes. Elle essaye de retourner en enfance mais n’y arrive pas parce que personne n’y arrive.
Chaque projet est très personnel, très différent, je n’ai pas envie de faire toujours la même chose, d’ailleurs le prochain projet sera en noir et blanc, il y avait une tension permanente dans cet album qui ne s’est pas relâchée, du coup il y a eu une pression qui m’a mené jusqu’au bout.
Tout est en couleur directe, sur des planches assez grandes mais plus petite que pour Acqua Alta, plus grand qu’A3. Après j’ai eu envie de changer d’échelle, alors pour l’exposition qui s’est d’abord tenue à Paris avant Bruxelles, j’ai travaillé sur du grand papier, à la plume, surtout pour être dans le dessin. Du coup on rentre dedans d’une façon différente, je me suis défoulée car il y avait beaucoup de cases dans cet album. J’ai fait des grandes illustrations et François Schuiten en a enrichis quelques-unes de son talent, du travail à quatre mains.
Pour la couleur directe, plus le format est grand plus le travail est long, on peut avoir des gestes sur des grands formats, ça compense… J’ai travaillé la couleur sur les originaux, pas sur une copie, je n’ai pas eu peur, je n’ai pas envie d’avoir trop peur car cela se sent dans le dessin, le dessin est plus rigide.
En fait c’est l’illustration de la couverture qui a convaincu l’éditeur, il était tellement envouté qu’il a servi au décor pour le stand de Casterman pour Angoulême l’année passée et le scénario n’était même pas encore écrit !
- SHESIVAN
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