Leaving D.M.C.
Dessinateur : Run
Scénariste : Run
Editeur: Label 619
Sept ans après les évènements de Dark Meat City, Vinz et Angelino mènent une vie paisible. Angelino est toujours livreur de sushi, et commence à apprécier Dark Meat City en pleine gentrification. Mais voilà que sur les réseaux sociaux, un internaute anonyme, un certain « Ω », prétend vouloir réinformer le peuple, et crée des dissensions fortes au sein des communautés de la ville.
Après un incident de type « Pizza Gate » dans le sushi-bar où il travaille, conséquence d’une désinformation anti-japonaise sur les réseaux sociaux, Angelino est contraint de quitter la ville. Accompagné de Vinz, ils sillonnent la Californie dans un camping-car, à la recherche de Willy, dont ils sont sans nouvelle depuis sept ans.
Mutafukaz revient pour un deuxième volet et visiblement Run en a encore sous le coude.
Etant sa marque de fabrique, l’auteur nous sert des faits d’actualités qui l’ont frappé. Faits qu’il va plus ou moins retranscrire fidèlement ou maquiller pour coller à son univers. Il est touché, comme beaucoup de créatifs aujourd’hui, par la vague de fake news et de la montée au pouvoir des crétins surpuissants. C’est un thème que l’on croise de plus en plus dans l’univers de la BD et c’est tant mieux, il faut faire bouger les lignes rapidement, notamment à cause du peu de volonté des réseaux sociaux à changer cette donne. Le cas Twitter racheté par Celuiquisecroitaudessusdetous Musk est encore un exemple flagrant de la situation médiatique actuelle.
Bien entendu, même si le fond est grave et assez proche de notre réalité, il y a énormément de second degré et d’humour, parfois acerbe et plutôt bien senti. C’est un Mutafukaz, ce n’est certainement pas un récit politique ou social ennuyeux, c’est à voir comme un délire créatif d’un personnage ingénieux, généreux, curieux et passionné.
Si la personnalité vous intéresse, j’ai découvert très récemment une série de podcasts du très bon First Print, dédiés à la genèse de Mufukaz. En 7 épisodes et mené comme une discussion entre le journaliste et Run, on y apprend comment au fil de sa vie professionnelle sont apparus les héros qui composent aujourd’hui MFK. C’est très captivant, d’autant plus qu’il nous livre là un récit honnête et nous dévoile parfois l’envers du décor des maisons d’édition francophones.
Honnête parce que l’auteur n’a jamais eu la prétention de se croire meilleur que les autres. Il a toujours eu la simple volonté de partager ce qui le touche d’abord, en faisant de son mieux pour divertir et se dépasser. Il parle de ses faiblesses davantage que de ses qualités et explique comment il obtient une œuvre homogène en se servant de sa formation d’art plastique et de ses influences.
Cela donne au final un très bon rendu, où la passion transpire à chaque case. À partir de faits réels et de lieux de voyage, Run compose un road movie déjanté qui annonce encore quelques belles pépites dans les prochains tomes. Si vous êtes plutôt premier degré, n’ouvrez pas ce nouveau tome, pas plus que les précédents, et fuyez de toutes vos forces le Label 619. Par contre, si l’envie de découvrir autre chose que les stars américaines classiques, du bon « franco-belge », vous démange, vous êtes sur la bonne piste, sans aucun doute.