La dernière reine
Série: La dernière reine, Tome 0
Scénariste : Jean-Marc Rochette
Dessinateur : Jean-Marc Rochette
Coloriste : Jean-Marc Rochette
Editeur: Casterman
En 1898, Edouard roux n’est encore qu'un enfant, mais il se souvient bien de cette nuit enneigée dans le Vercors où il va apprendre qu’on a tué le dernier ours de la région. Il faut dire qu’Edouard n’est pas un villageois comme les autres, il vit dans une cabane isolée avec sa mère et cela fait jaser… Edouard et sa mère ont une relation avec la nature que bien peu d’autres habitants ne détiennent, tous deux vouent une passion pour les ours transmise de génération en génération et sont conscients de l’importance d’établir une harmonie entre cet animal et l’homme. Eux seuls savent que le jour où la dernière reine sera tuée dans les montagnes que ce sera le début du temps de ténèbres…
Le 17 septembre 1916, Edouard a été mobilisé pour combattre au front, les obus pleuvent sur la Somme et Edouard finit par s’en prendre un, son nez et tout le côté droit de sa bouche sont partis dans l’explosion de la tranchée. Voulant éviter ce spectacle à sa mère, Edouard lui écrit pour lui dire qu’il ne la verra plus jamais et va s’établir à Grenoble. S’en suit une période de déchéance où Edouard se réfugie dans l’alcool…
Edouard va cependant apprendre qu’une dame nommée Jeanne Sauvage fait des miracles pour les gueules cassées comme lui et part pour Paris. Elle le reçoit effectivement et fait un moule de son visage… Lorsque Edouard reçoit le masque élaboré par Jeanne, il ne peut s’empêcher de pleurer face à cette femme qui lui a rendu la vie. De fil en aiguille, un lien fort se tisse entre Edouard et Jeanne, une véritable relation amoureuse très forte.
Edouard fait découvrir les merveilles du Vercors à Jeanne et la soutient dans son projet de sculpter un ours plus vrai que nature. Cette période de rêve s’obscurcit lorsque Jeanne contracte la tuberculose et finit par mourir dans la montagne. Désespéré, Edouard doit sa survie à la rencontre d’un nouvel ours, mais la cruauté et l’esprit tordu des hommes vont à nouveau le rattraper…Superbe histoire que celle de cette communion avec la nature. Rochette nous avait démontré tout son savoir-faire pour raconter des histoires qui se passent en montagne, son style faussement épuré produit des planches qui sont des petites merveilles. Il en émerge un esprit que l’on retrouve dans les histoires des albums de Servais (un peu de légendes, une nature bienveillante mise à mal par les hommes,…), mais aussi une certaine philosophie contemplative que l’on trouve chez Cosey.
Pour rester dans les références, les dialogues sont courts, simples, mais aussi très efficaces, un peu comme ceux de Taniguchi, mais l’ensemble reste avant tout du Rochette qui démontre une nouvelle fois combien il a le sens du scénario et combien il maîtrise ces ambiances souvent sombres qui enveloppent le lecteur (même les rares ciels bleus ne le sont pas tout à fait).
C’est donc un nouveau véritable coup de maître, un peu dans la lignée d’ « Ailefroide » et « Le loup » même si le contexte est bien différent, que nous offre Rochette. Après le long silence du superbe Transperceneige (dont la suite a été chroniquée sur ce site), l’auteur semble avoir retrouvé tout son punch créatif et fait preuve même d’une belle productivité !
Le résultat est celui d’un récit graphique fort qui captive le lecteur dès le début et ne le lâche plus jusqu’à la fin, un coup de cœur évident s’impose pour cet album.