De la Macédoine à la France
Série: L'Odyssée d'Hakim, Tome 3
Dessinateur : Fabien Toulmé
Scénariste : Fabien Toulmé
Coloriste : Fabien Toulmé
Editeur: Delcourt
Hakim poursuit son périple avec son jeune fils, Hadi, le fait qu’il soit arrivé en Europe est loin d’être un gage de mieux-être… Arrivé en Macédoine, il faut une longue attente pour pouvoir embarquer dans un train crasseux et bondé. Une longue marche encore après l’arrêt du train et l’arrivée en Serbie où il faut se faire enregistrer après une nouvelle longue attente…
Arrivé à Belgrade, Hakim doit faire un choix difficile. Soit traverser la Hongrie qui a mauvaise réputation dans son accueil des migrants, soit passer par la Croatie et la Slovénie, ce qui multiplie les démarches administratives…
Après une pause bien méritée chez une dame qui loue des chambres chez elle (ce qui a permis à Hakim de parler avec sa femme), Hakim décide de « risquer » la Hongrie. Un taxi le dépose jusqu’à la frontière et puis c’est l’attente de la nuit pour passer la frontière…
Mais Hakim et Hadi se font quand même arrêter par la police, il se retrouve alors dans un camp grillagé hongrois, un numéro au poignet. Les conditions d’hygiène et d’alimentation sont déplorables. Hakim ne trouve pas de lait pour le biberon de Hadi et doit se contenter de lui faire manger des sandwichs ; ce qui engendre de la diarrhée chez l’enfant…
Profitant d’un transfert d’un camp à un autre Hakim va « s’évader », il aura la chance de tomber sur une personne qui l’emmènera vers une autre gare.
Une nuit dans un métro, un trajet dans un taxi et attendre dans le froid que la nuit tombe pour pouvoir enfin passer la frontière autrichienne... Hakim peut alors bénéficier d’un accueil plus chaleureux. L’argent lui manque cependant pour payer ses derniers tickets de train mais la solidarité va jouer.
Au mois d’octobre 2015, Hakim va enfin retrouver sa femme et Hadi sa maman. Il avait quitté la Syrie depuis janvier 2013 et aura mis trois mois pour relier la Turquie à la France. Aujourd’hui, Hakim a pu se poser avec sa famille mais sa situation financière reste délicate car il n’a pas encore pu trouver un bon emploi, un nouveau combat l’attend…
Dernier tome d’une trilogie pour Fabien Toulmé qui nous habitué jusqu’ici à des albums one-shot mais toujours le même humanisme dans sa manière de raconter le récit. Ce qui intéresse l’auteur, c’est de décrire la vie avec ce que cela comporte comme difficultés mais aussi comme soif de vivre. Les héros de Toulmé sont des gens ordinaires confrontés à un destin qu’ils n’auraient jamais imaginé et qui les secoue (la maladie incurable dans « Les deux vies de Baudouin », la trisomie d’une fille dans « Ce n’est pas toi que j’attendais »).
Dans ce récit, Hakim n’a pas demandé qu’un dictateur opprime son peuple. Il ne voulait pas faire de politique pour éviter les ennuis et se consacrer à son entreprise de plantation. Son seul tort est d’avoir voulu aider une personne qui a été tabassée par les forces de l’ordre. Et à partir de ce moment-là, tout s’enchaîne… Il perd son travail et n’a plus d’autres alternatives que de fuir l’oppression et trouver un endroit où survivre.
Fabien Toulmé nous rappelle combien les migrants sont des gens comme vous et moi qui n’ont pas eu la chance de se trouver dans un pays paisible et démocratique. La faute à pas de chance quoi… En même temps, il faut bien les trois tomes pour comprendre comment une vie ordinaire a pu être si bousculée.
Même s’il ne l’exprime pas en tant que tel, l’auteur construit un véritable plaidoyer pour le sort réservé aux migrants, il dénonce le manque d’humanité dans l’accueil, y compris en Europe (et plus précisément en Hongrie), il humanise le sort de personnes qu’on pourrait vite qualifier de profiteur (venir chercher la richesse de l’occident) et tord ainsi le cou à tous les préjugés.
Pour cette démarche intelligente et salutaire, je donne sans hésiter mon coup de cœur pour l’ensemble des trois tomes de « L’Odyssée d’Hakim ».