La Bombe
Dessinateur : Denis Rodier
Scénariste : L. F. Bolée
Scénariste : Alcante
Editeur: Glenat
Si ce livre est d’abord une brique un peu démesurée (472 pages et deux kilos environ !), c’est parce qu’il est aussi à la démesure de son sujet et de son projet rédactionnel. Comme l’indique le résumé, ce sont plusieurs histoires concomitantes qui sont racontées dans cet ouvrage et chacune de celle-ci permet mieux de comprendre « l’engrenage » qui a mené au 6 août 1945 avec ses 60 milles décès instantanés pour un total final de 200.000 après un an (dont de nombreux civils). Avec le recul, on se dit qu’il est important de se questionner sur cette folie… Et c’est là tout le mérite de cette « brique », ce qu’elle en aborde toutes les facettes
En s’exprimant au nom de l’uranium et en décrivant les expériences scientifiques, les narrateurs nous aident par cette approche didactique à comprendre comment on a pu progressivement démultiplier une puissance au départ infime…
En expliquant le contexte de guerre, les missions militaires pour saboter les réserves allemandes, l’espionnage et les mesures de sécurité pour les contrer,… On comprend mieux les enjeux de chacun. Par exemple, on apprend que les Etats-Unis ont précipité la chute du Japon pour éviter que la Russie n’y soit victorieuse, ce qui lui aurait donné une trop grande importance stratégique…
En prenant le point de vue d’une famille japonaise à Hiroshima dont les membres auront des personnalités et destinées diverses, on comprend mieux également la pression du pouvoir sur le peuple, y compris contre ceux qui désapprouvaient la guerre, mais aussi l’exaltation pour l’empereur qui pouvait mener jusqu’à des missions suicides…
Ce livre présente également le mérite aussi de ne pas faire une apologie des Etats-Unis, il montre les choses de manière réaliste, y compris les moins recommandables. On découvre par exemple que des hommes ont servi à leur insu de « cobayes » pour tester les effets de la radiation sur le corps… Le fait d’être juif pour un savant le rendait suspect (comme quoi l’antisionisme était un phénomène loin d’être exclusivement allemande).
Enfin, on relèvera le focus sur un scientifique, juif notamment, nommé Léo Szilard qui fera des pieds et des mains pour que les Etats-Unis se lancent dans le projet de la bombe atomique (craignant par-dessus-tout que l’Allemagne ne la possède avant les autres) pour ensuite faire un revirement complet lorsque l’Allemagne sera défaite et tenter par tous les moyens de ne pas l’utiliser, estimant ses conséquences bien trop importantes pour la population et pour le monde. Sans son caractère plutôt fort et ses opinions bien tranchées, il n’est pas certain que les Etats-Unis auraient été en possession de la bombe…
L’album ne serait pas complet s’il ne décrivait pas les destinées des principaux personnages de cette histoire avec un grand H et s’il n’était pas pourvu d’une postface expliquant la genèse de ce projet et sa mise en page. Sans compter une bibliographie particulièrement complète pour ne pas faire les choses à moitié ! Et quelle prouesse pour le dessinateur que ce dessin de qualité sur une telle quantité de planches !
On ne sort pas indemne de la lecture de ces 450 pages car ce livre démontre magistralement combien de débats et des décisions prises dans le passé peuvent nous éclairer encore et toujours sur ce qui fait notre présent mais surtout fera de notre futur. Un coup de cœur sans hésiter pour un livre à aller acheter au plus vite !