Les métamorphoses
Dessinateur : Manu Larcenet
Scénariste : Jean-Yves Ferri
Coloriste : Dominique Thomas
Editeur: Dargaud
L’histoire du #6 en quelques lignes…
Et les choses ont diablement bien évolué : notre douce Mariette attend un second enfant, Mme Mortemont a cédé aux sirènes de la Tech et ses assistants vocaux, tandis que notre Manu a décidé d’arrêter la BD et se met en quête de son Père…

Ce qu’on en a pensé…
Ce 6ème opus -que l’on n’espérait plus !- est drôle, touchant, émouvant, vrai. Il est d’ailleurs sacré « Coup de Cœur GénérationBD », mais on va directement évacuer ce qui m’a quelque peu titillé, désappointé, contrarié, voire faché (ainsi c’est fait) :
Alors que je considère Jean-Yves Ferri comme étant une très fine plume, cherchant toujours à éclaircir l’œil de son lecteur sur un jeu de mots, une situation ciselée au fin scalpel de chirurgien, pourquoi diable a-t-il utilisé un ressort comique aussi artificiel que celui de son premier gag de l’album à savoir : plan de coupe « torse » sur les 2 perso’, où Marinette rappelle à son homme qu’elle est enceinte et que le nigaud voit tout à coup qu’elle a un ventre énooorme en même temps que le lecteur, en dessinant alors les personnages en entier !?! Noooon, c’est trop facile, c’est artificiel, c’est une situation tellement im-po-ssi-ble dans la vraie vie…
Heureusement que notre scénariste n’utilise pas outre mesure ce ressort comique indigne de son talent !
On va passer très vite sur le respect de la temporalité (Au début de l’album, Mariette en est à 7 mois de grossesse et on voit Manu dans une forêt automnale, alors que dès la page 26, on est au printemps et qu’elle n’a toujours pas accouché) pour parler de tout le reste, c’est à dire tout ce qu’on a adoré dans cet album !
Et la première émotion qui nous submerge lorsque l’on repose le livre, c’est une certaine mélancolie, on est un peu embrumé dans un brouillard londonien d’hiver… Pourtant, et c’est paradoxal ( !), qu’est-ce qu’on aime ressentir cette émotion quand elle est aussi finement amenée… Osons la comparaison pour exemplifier : quel pied que de se sentir déprimé en refermant le fabuleux « Idées Noires » de Franquin !
La deuxième émotion que l’on ressent directement après est la satiété : ce nouvel album n’est pas celui de trop ; on est directement replongé dans cet humour noir et froid avec la vieille Mortemont. J’ai notamment éclaté de rire dès la fin de la page 9 où la vieille promène le cercueil de son défunt époux dans le brouillard parce que « c’est bon pour ses os »… Dis ainsi, cela peut prêter à sourire simplement, mais il faut voir de vos yeux la mise en place de ce gag sur les 3 précédentes planches… Génial ! Vous repenserez à cette chronique quand vous aurez découvert les scènes « L’anecdote – La muse – L’invitation – Le tour – L’horreur ».
On pourrait vous lister bien d’autres viennoiseries tellement succulentes qu’ont composés nos maitres-artisans (la Zone Blanche, Le prénom, la nounou…) mais franchement, cette chronique ne servirait alors plus que de menu, tellement on s’est marré, bidonné, esclaffé à chaque page !
Pourtant, ce qui nous a le plus esbaudi, c’est bien l’imbrication totalement démentielle de toutes ses mini-tranches de vie en une histoire complète d’une cohérence exemplaire ! Toutes s’enchainent dans une fluidité totale. C’est bien simple : impossible de déposer ses couverts tant ce 6ème plat fut savoureux !
Terminons enfin sur la partie graphique, due au véritable Manu (Larcenet) :
Il faut avouer que le vrai Manu (pas le Larssinet donc !) est capable de nous sortir des planches dans des styles graphiques à des années lumières les unes des autres, en fonction de ses envies ou de la série… Si personnellement, je n’ai jamais ouvert un tome de sa série « Blast » tant le dessin ne m’attire vraiment pas (je sais : je rate quelque chose), tant pour cette série je suis sous le charme de son coup de crayon donnant à ses personnages une expressivité folle !
Ce retour à la terre est donc sans nul doute l’événement BD de cette fin de mois.

Pour en savoir (encore) plus…
Manu Larcenet accepte de très rares interviews. Pour ceux qui voudraient en savoir plus sur cet auteur atypique, on vous convie à cliquer sur >> ce lien << : il se dévoilait sans langue de bois et avec humour sur le plateau de l’émission de Laurent Ruquier, « On n’est pas couché », pour la sortie du volume 4 de sa série Blast.
Milan Morales