BD Classic

Bravant l’interdit, Grenoye s'enfonce dans la forêt jusqu’aux Marais écarlates à la recherche de plantes pour sa mère malade. Ayant chuté à la vue d’un serpent, il aperçoit dressée devant lui une créature nue d'une beauté fatale et terrifiante à la fois, une femme-serpent portant une pierre rouge à son cou. Il se sent aussitôt envahi par le désir mais aussi par la peur connaissant la réputation de cette vouivre. Mais alors qu’aucun des hommes qui ont croisé sa route n’est revenu vivant, Layla le laisse repartir. Rien ne pouvait laisser présager que ce gamin allait survivre à cette rencontre. Treize années plus tard, Grenoye qui a perdu sa mère et survécu à la rue et la misère retrouve enfin une vie normale. Il a épousé Édith, son ancienne amie fille de l’épicier avec laquelle il a fondé une famille, même si le souvenir de Layla ne s’est jamais éteint en lui. C’est pendant les fêtes d’anniversaire de Syrénia, la fille du roi Ragnar Falx, que Layla va de nouveau bouleverser la vie de Grenoye. Courtisée par le roi qui en réalité veut lui arracher l'Escarboucle, cette pierre rouge source d'immortalité et de puissance, Layla n’hésite pas à le tuer et ne doit sa survie qu’à Grenoye qui l’aide à fuir le château. Devenue reine, Syrénia, va très vite manifester sa soif de pouvoir et de conquête de nouvelles terres en réunissant autour d’elle tous les jeunes hommes du royaume parmi lesquels Grenoye. 

Mon avis: Jérémy à l'art de nous surprendre là où on l'attend le moins. Coloriste aux côtés de Philippe Delaby notamment sur la série Murena, illustrateur des scénarios de Jean Dufaux (Barracuda) puis Alejandro Jodorowsky (Les Chevaliers d'Héliopolis), le voici maintenant dans les habits de scénariste. À quand son album en tant qu’auteur complet?

L’album "Layla" constitue une très belle surprise scénaristique. S’inspirant du roman de Marcel Aymé "La Vouivre", Jérémy nous propose un scénario très bien construit. Utilisant les codes du genre, la sauce prend tout de suite et la fin se révèle inattendue, tout au long d’un conte dans le plus pur style du fantastique Dark Fantasy, avec juste ce qu’il faut de fantasy mais une bonne dose de dark et des personnages à la personnalité approfondie. L’ensemble se présente sous la forme d’un one shot de 96 pages, format très généreux pour le lecteur. Sachant que Jérémy a gardé ce projet sous le coude pendant une dizaine d’années, on se réjouit qu'il se soit enfin lancé dans sa réalisation avec Mika.

Tous deux appréciaient le travail de Loisel, chacun à sa manière. C’est après avoir été séduit par la sensibilité, la sensualité du trait de Mika que Jérémy a ainsi pu concrétiser son projet. Ayant approché Loisel, Mika s'en est effectivement inspiré tout en gardant son style propre. Cet album est d’ailleurs un fameux changement pour Mika, davantage attiré par le manga. Mais il se révèle très bon en franco-belge. Espérons qu'on pourra le revoir bientôt sur un autre projet car il a bien failli abandonner le monde de la BD. Cela aurait été dommage lorsqu’on voit de quoi il est capable: expressions des visages, belles femmes sensuelles ou cruelles, décors naturels somptueux, scènes d'action dans de beaux cadrages cinématographiques et une très agréable mise en couleurs. 

Un récit étonnant magnifiquement illustré.