« En Belgique, vous avez de la chance: il n’y a pas le prix unique du livre, et donc vos libraires peuvent vous accorder 20% de remise, alors que nous en France, c’est seulement 5%! »
Combien de fois le belge que je suis n’a pas lu/entendu cette réflexion… complètement fausse ?!?
Démontons donc point par point cette fausse vérité !
Démontons donc point par point cette fausse vérité !
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- Tout d’abord, on va vite évacuer les « 20% de remise »; A ma connaissance, il n’y a plus de librairies belges qui puissent se permettre une telle réduction de prix! Il y a 20ans sur Bruxelles, on en trouvait oui, mais plus maintenant! Au mieux, certains accordent encore 20% mais uniquement sur une partie de leur stock; plus jamais sur la nouveauté! La norme chez un libraire spécialisé oscille plus entre les 5 et 10%. Reste le cas des offres d’appel en grandes surfaces, mais c’est là aussi devenu denrée rare…
- Ce 1er point étant établi, l’acheteur « éclairé » parvient donc à avoir une remise de 10%. En prenant donc comme prix moyen d’une BD 15€, il ne débourserait donc que 13,50€, alors que son homologue français lui n’ayant eu au mieux que 5% sortira de son portefeuille 14,25€ pour le même ouvrage. Tout bénéfice donc pour le belge! Sauf que… Il y a la tabelle! (à ne pas confondre avec la Gabelle, quoi que... cfr. ci-dessous)
Comme très souvent à l’origine, cette taxe « indirecte » servait à protéger le petit consommateur belge essentiellement des fluctuations entre le franc belge (FB) et le franc français (FF) et couvrait aussi les frais de douane. Sauf qu’il n’y a plus depuis longtemps de FB et de FF, ni même de douane, union européenne oblige!
Cependant la tabelle a subsisté, contre vents et marées! Pire même, elle a permis de rémunérer une nouvelle étape dans la chaine du fournisseur au consommateur: le Distributeur!
Et donc ainsi, le prix des livres édités en France est généralement 10 à 15 % plus élevé chez nous, provoquant une concurrence déloyale préjudiciable pour nos librairies.
Tous les éditeurs ne l’appliquent pas/plus heureusement… Mais on est parfois encore surpris à la caisse de son petit libraire de devoir payer sa revue 6,50€, alors que le prix indiqué dessus est de 6,00€!
Pire même, en poussant encore le vice un cran plus loin, le consommateur belge peut contourner cette tabelle et bénéficier toujours d’une remise de 10%: Il suffit de passer commande sur un magasin online pratiquant les prix français, mais accordant 10% de remise à leurs clients belges et offrant les frais de livraison!
J’en parlais encore récemment avec mon gentil libraire, qui ne pouvait, calculatrice à la main, qu’acquiescer, la voix remplie d’amertume…
Cette tabelle a donc engendré l’effet contraire de son but originel: le belge paie plus son livre que le français et tue le petit commerce local, en privilégiant les gros magasins online et sans frontière!
Pour ceux dont le regard s’est mis à briller d’un intérêt certain à la lecture de ce dernier paragraphe, ayez bien en tête que ce type de procédé financier mettra à mal nos commerçants qui, s’ils devaient disparaître, ne pourraient plus nous fournir leurs bons conseils de lecture!
Aujourd’hui donc, nous apprenons que notre (nouvelle) Ministre de la culture, Alda Greoli, sort un avant-projet de décret visant à introduire un prix unique du livre en Wallonie et à Bruxelles, supprimant donc ainsi par la même cette maudite tabelle et en même temps les 10% de réduction. A la place et comme pour les français, les commerçants ne pourront pratiquer que des ristournes à hauteur de 5%.
Voici donc les braves consommateurs belges et français remis sur le même pied d’égalité (si le décret reste en l’état et passe les votes).
Oui mais… reste une zone d’ombre: Mme Greoli veut mettre en route ce « prix unique » de manière graduelle: la 1ère année, le delta entre les prix belges et français ne pourra excéder de 8% (puis 4% lors de la seconde année). Mais si je comprends bien, la ristourne maximale passera elle à 5% dés là première année ?!? Et donc, mon ouvrage de 15,00€ aura donc encore son prix majoré de 8% (soit 16,20€) dont on pourra éventuellement soustraire une remise de 5%, soit un prix final de 15,39€… alors que l’amateur de littérature français lui paiera toujours ce même ouvrage 14,25€.
Ce ne sera donc qu’à la troisième année de la mise en application de ce décret que le prix unique du livre sera le même de chaque côté de nos frontières! Gageons cependant que d’ici là, le prix du livre aura quelque peu augmenté et que donc nous n’assisterons jamais à une diminution du prix de nos bandes dessinées…
Dire que je me rappelle de l’époque où je sortais de mon petit portefeuille 150FB pour mon nouvel album du Scrameustache…