BARU "CANICULE" ou LE POUVOIR DES IMAGES


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Un immense champ de blé et un homme qui court. Il est aux abois, il vient de commettre un hold up, a doublé ses partenaires. Il enfouit rapidement la valise contenant l’argent dans un trou creusé dans la boue... Il a repéré une ferme et espère s’y planquer le temps que les choses se tassent… Il ignore qu’il se dirige droit dans un piège…

Lee Marvin, sa tronche burinée et son costard sombre, est la seule image dont n’a pas pu se débarasser le dessinateur Baru, ami de l’auteur du polar ; Jean Vautrin. Car il n’a jamais vu le film Canicule et n’a pas envie de le voir… Son amitié avec Jean Vautrin – vieux pote à Audiard, c’est vous dire les lettres de noblesse - est née au festival d’Angoulême, en 1990, lorsque celui-ci lui a remis l’Alph’Art pour Le Chemin de l’Amérique. La sauce a pris entre les deux gaillards et Vautrin lui a promis une nouvelle pour qu’il puisse en faire une BD, mais cela n’a jamais eu lieu. A la place, Vautrin a offert à Baru de piocher dans sa bibliographie. C’est comme cela que Canicule est né… Il en voulait un autre, de roman, mais déjà pris par Tardy… Selon l’auteur, nous aurons bientôt droit à une série : Vautrin par… L’homme recherche des candidats.

Quand on parcourt l’album on ne peut que s’arrêter sur la spontanéité des images et qui suffisent à elles seules. Baru aurait très bien pu se passer de bulles, tellement il est expressif. Faussement spontané car tout a été pesé et équilibré chez lui, en excellent homme de métier ! Je lui avais présenté mon album, imprimé à partir d’un pdf et la première page du récit se trouvait sur une page impaire. Baru m’a immédiatement expliqué pourquoi cela ne se pouvait, m’a montré le déséquilibre des couleurs et des images… Couleur directe et quelle couleur ! La canicule s’affiche à travers les images, la luminescence blesse les yeux, le jaune est agressif, se fait rayon de soleil, brouille la vue comme ces premières pages où les personnages ne sont pas surlignés…

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Et ce climat …

C’est un monde clos, de taiseux, cela sent la relation incestieuse, c’est renforcé par la cupidité et, parce qu’ils sont cupides, l’arrivée de Cobb va révéler ces gens à eux-mêmes. Cobb est le prétexte à l’expression totale de ce qu’il y a de plus fondamental dans l’humanité : sa méchanceté, sa lubricité… Ce qui m’intéresse chez Vautrin c’est que lui va dans des endroits où je ne vais pas, il a une manière d’aborder ces choses-là de façon à ce qu’au bout du compte on se pose des questions sur quoi on est capable. Je sais finalement que je suis capable du pire mais il faut cantonner ses pulsions dans un espace qui relève de l’impossibilité.

Particulièrement pour ce bouquin-là, la couleur est importante. L’histoire se passe en Beauce, pas loin de paris… C’est un pays très riche à cause des céréales, des champs de blé à perte de vue, c’est très plat. Quelques grosses fermes ici et là… Tu as envie de t’y pendre !

Il n’y a aucun intérêt à illustrer la littérature, c’est redondant puisque le verbe en soi est suffisant pour s’exprimer, alors pourquoi l’accompagner d’un dessin ? Je suis de moins en moins bavard dans mes histoires, la BD est une affaire d’images qui doivent parler par elles-mêmes, qu’elles fassent le travail de la narration…

 

SPIROU A 75 ANS ET S'EXPOSE AU CBBD

Spirou fête ses 75 ans cette année et le centre belge en profite pour revenir sur la carrière exceptionnelle de ce héros de BD qui passa de main en main, d’où le titre de l’expo. Le spectateur peut ainsi découvrir tous les auteurs qui ont mis la main à la pâte pour animer le groom du Moustic. Les commissaires de l’expo sont Jean-Claude de la Royère, grand archiviste et conservateur en chef du CBBD et feu Yvan Delporte.

Cette exposition date des années nonante et était destinée à être itinérante. Lorsque je l’ai reprise, j’ai continué dans le même esprit qu’Yvan, décrivant à chaque étape le nouveau dessinateur, pourquoi il a commencé et arrêté, son style, ce qu’il a apporté à la série… J’ai repris à partir de Tome et Janry et j’ai ajouté un espace Greg et Jidéhem, oublié par Delporte. Pourtant deux collaborateurs importants puisque Greg va inventer Zorglub et fournir d’excellents scenarii. Il va aussi participer à la création de Modeste et Pompon et leur fournir des personnages secondaires et des histoires… Quant à Jidéhem, il prête main forte à un Franquin débordé, à une époque il fait Modeste et Pompon, Gaston Lagaffe et Spirou, alors Jidéhem fait les décors et quels décors ! Franquin est certainement l’auteur le plus célèbre de Spirou, il va crée son environnement comme le village de Champignac, le Comte et surtout le marsupilami !

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Au départ Spirou, espiègle en wallon mais aussi écureuil dont il tient la tignasse rousse, est créé par Rob-Vel pour habiller un journal pour les jeunes. Lorsque celui-ci est appelé sous les armes, sa femme reprend le dessin ! Très rapidement Jijé, auteur vedette de Dupuis s’en occupe et il y collabore jusqu’à ce que Franquin, son élève, prenne la relève, ce qui donne parfois des planches dessinées par les deux auteurs qui jouent en quelque sorte au ping pong sans que l’un intervienne dans le dessin de l’autre !

Au départ Franquin doit respecter le dessin de Jijé mais il trouve rapidement son propre style. Il y a aussi Roba qui participe au scénario et dessine des décors et personnages secondaires. J’ai tenu à souligner le ras-le-bol de Franquin pour la série par des personnages de ses dernières aventures, ils sont énervés, colériques et le style est plus nerveux. C’est Fournier qui reprend la série et enlève l’uniforme de Spirou, au grand désarroi de l’éditeur qui voulait un personnage plus emblématique. N’empêche, il sera toujours vêtu de rouge ! Fournier tiendra onze ans et fera neuf albums dont les premiers avec Franquin car, celui-ci ayant gardé les droits du marsupilami il le rajoute lui-même dans les planches de Fournier ! Puis arrive un nouveau directeur, issu de Belvision, qui décide que la série doit être dessinée par un auteur de dessin animé. Ce sera Nic Broca, qui n’a jamais fait de BD ni de scénario qu’on demande à l’auteur maison : Raoul Cauvin avec néamoins certaines restrictions : il ne peut pas utiliser les personnages qui gravitent autour de Spirou, comme Zorglub, Champignac. Trois albums seront réalisés, des albums en quelque sorte hors-série...

Pendant qu’Yves Chaland réalise un hommage à Spirou où celui-ci retrouve son costume de groom, arrivent Tome et Janry, jeunes assistants de Dupa et qui travaillaient sur Achille Talon, comme on le verra dans les premiers dessins. La série passe de la fantaisie et l’humour au réalisme et même à la fin un album très réaliste qui ne rencontrera pas le succès escompté. Dans l’expo on peut voir une planche de l’album suivant, resté inachevé (huit pages) : Zorglub à Cuba, dessiné dans un style qui se rapproche plus du nouveau personnage créé entretemps par nos deux compères : le petit Spirou.

Spirou connaîtra une interruption de 5 ans, Tome et Janry faisant du Petit Spirou, une première dans la BD franco-belge, inspiré d’un faux oncle Paul racontant la jeunesse de Spirou. Morvan et Munuera reprennent la série dans un esprit américain et manga, un style très dynamique et élastique. Ils seront remplacés par la nouvelle équipe Yoann et Velhman…

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Un espace est également consacré aux hors-séries avec des planches de Yoann et Velhman très second degré, de Frank Legall, aucune de Tarrin puisque toutes vendues, Emile Bravo, Schwartz et Yann, Parme et Trondheim dont il n’y a pas d’original puisque fait à l’ordi. Un autre espace est consacré aux hommages avec des illustrations de René Follet, Daniel Goossens, Séverin, Lapone et Serge Clerc ainsi qu’aux prochains Spirou hors-série qui devraient paraître, notamment de la main de Marc Hardy, Alec Séverin, Fabrice Lebeault et Benoît Feroumont…

A la lumière de cette expo et de ses planches exceptionnelles, Spirou et Fantasio ont toujours la patate, tout comme le magazine qui leur est consacré et qui aura sous peu un petit frère numérique, progrès oblige, intitulée Spirou Z.

Z comme Zorglub…

Spirou de main en main au CBBD du 23 avril au 6 octobre 2013
La première photo est de moi : J-C De La Royère, la deuxième de JJ Procureur : tous les auteurs de Spirou, à vous de deviner qui est qui ?

EL SPECTRODIER - L'INTERVIEW

Comment est né El Spectro ?

-De mon amour pour les films kitchissimes d’El Santo! C’était un vrai catcheur mexicain qui a tournée dans plus d’une soixantaine de films entre 1950 et 1980. Il y combat tous les monstres du répertoire classique, allant de Dracula à la fille de Frankenstein, en passant par la bru du Loup-Garou et le beau-frère de la Momie! Je rigole, mais ses films sont à peine moins ridicules que ça! Bref, j’ai voulu réaliser, en film, une courte aventure d’El Santo en 2005. J’ai demandé à mon ami Frédéric Antoine de m’aider au scénario et ça a été une collaboration très agréable! Fred et moi sommes sur la même longueur d’onde et nous nous sommes beaucoup amusé sur ce projet, même si au final le film n’a jamais été tourné... Quand, en 2009, nous cherchions un sujet pour créer une nouvelle série BD mettant en vedette un personnage bien typé, iconique, sportif et baroudeur, Fred a repensé à notre scénario. Plutôt que d’adapter El Santo en BD, nous préféré créer notre propre “luchador”,inspiré du modèle original mais nous laissant les mains libres pour l’envoyer dans toutes les directions que nous imaginerons en cours de route!
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 Pourquoi un style graphique rétro 50, comment en es-tu arrivé-là ?

-C’est un choix autant esthétique que scénaristique. Tout avait plus de gueule à cette époque, les voitures, les décors, les vêtements, et même les visages! Ça, c’est pour l’esthétisme. Du côté scénaristique, ça ouvre plein de possibilités! Tu peux faire une vrai de vrai méchant, “méphistophélique” sans que ça paraisse ridicule! Dans le contexte des années 50-60, les archétypes passent bien. Et aussi, nous nous sommes vite aperçu que l’aventure classique est difficile à élaborer dans le monde d’aujourd’hui. La technologie qui simplifie notre vie de tous les jours rend difficile de se perdre au milieu de la jungle, ou du désert. Avec les satellites, aujourd’hui, il n’existe plus de terre inexplorées.


Quels sont auteurs qui t’ont influencé ?

-Aie aie aie! Il y en a beaucoup! Bien entendu, il y a Franquin, Tillieux, Jijé, Walthéry, Jidéhem et toute l’école de Marcinelle. Mais aussi Hergé, Jacobs, De Moor, Crahenals, Graton, Weinberg et toute la bande du Journal Tintin que je lisais beaucoup, étant petit. Chez les américains, il y a John Romita Sr. (Spider-Man), Jack Kirby (tout l’univers Marvel), Jack Davis, Dan deCarlo, Bruce Timm, Frank Cho, etc... J’en passe et j’en oublie! Chez les Espagnols, José “Pépé” Gonzalez (Vampirella) et F. Solano Lopez (L’Oeil de Zoltec) m’ont énormément marqué... Mais il y a surtout, à l’égal de Franquin chez les dieux de la BD, le grand Uderzo qui, avec ses 8 albums de “Tanguy et Laverdure”, a réussi à créer la BD la plus parfaite que je connaisse! Un subtil mélange de réalisme ultra documenté, de personnages semi-caricaturaux et de mouvements très appuyés, qu’on voit surtout dans les BD humoristiques. Je pense souvent à ses Tanguy et Laverdure quand je dessine El Spectro... Mais maintenant, je laisse toutes mes influences se mélanger et créer leur propre chimie, au lieu de les canaliser très fort sur un style ou un auteur à la fois, comme à une certaine époque quand je dessinais du Tintin en m’efforçant de devenir Hergé...


Cette histoire d’Alph’Art, tu ne vas pas traîner ça comme un boulet tout le restant de ta carrière ou au contraire cela t’a servi ?

-Ça m’a servi, c’est certain. Si ce n’était de Tintin, j’aurais sans doute eu beaucoup plus de difficulté à faire connaître mon nom dans le milieu de la BD... Mais je ne me fais pas d’illusion, dans notre “couple”, c’était Tintin, la vedette! Quand quelqu’un me montre mon album traduit en iranien, ou ma couverture de “L’Alph-Art” en plaque émaillée au Cambodge, je sais que je n’y suis pour rien! Les gens veulent du Tintin! Que ce soit de la main d’Hergé, Harry Edwood, Régric ou la mienne, ils s’en fichent!... À la longue, c’est effectivement un peu devenu un boulet. Ça me touche quand je vois des gens faire la queue avec un truc de Tintin que j’ai fait il y a 20 ans... Mais je dois leur expliquer que si je traverse l’Atlantique pour venir en Europe, c’est pour faire la promotion de mon travail. Et Tintin n’est pas mon travail. Ça ne l’a même jamais été! Je ne renie pas ce que j’ai fait, mais je suis passé à autre chose depuis longtemps.

 

Pourquoi plus de Simon Nian ?

-Parce que je m’ennuyais à dessiner des rues de Paris, des festival de BD, des librairies et des galeries. Je ne suis pas un dessinateur urbain. Je rêve d’aventures et d’exotisme! Et Simon Nian, c’était de la parodie. On en a vite fait le tour. De plus, comme je devais coller au style de Tillieux le plus fidèlement possible, je me sentais à l’étroit dans ces limites très définies, sans possibilité d’explorer graphiquement le style et le laisser évoluer... C’est pourquoi j’ai créé El Spectro avec Fred, une série avec des possibilités infinies qui me correspond beaucoup mieux. C’est vraiment la somme de tous nos champs d’intérêts, en BD, films, design et histoire!


L’accueil de El Spectro 2 est très positif, un libraire était enchanté parce que grâce à ta couverture spectaculaire, cela se vendait comme des petits pains aussi auprès des amateurs de bagnoles, ne serais-tu pas tenté de revoir la couverture du tome 1 ?

-Oh, si tu savais! Je casse sans arrêt les oreilles de nos éditeurs du Lombard depuis sa sortie en 2011! Je n’ai jamais été satisfait de la couverture. Les couleurs sont sorties complètement écrasées, et la maquette manque de “Oumph!” J’avais proposé plusieurs maquettes de style plus vintage avant celle qu’on m’a finalement imposée. On ne saisissait pas bien, au Lombard, qu’avec Spectro il faut aller “vintage” jusqu’au bout! Ce qu’on a enfin pu faire avec la couverture du tome 2!


Apparemment tu te revendiques de l’école de Marcinelle de par ton style mais tu rends aussi hommage à Jean Graton. Son style était plutôt très raide, non ? Ou son style n’a pas d’importance mais tu apprécies Michel Vaillant ?

-C’est vrai que son style graphique a un peu mal vieilli de par sa raideur, mais bon sang! Quelle rigueur dans la documentation! Et Graton arrivait superbement à rendre l’ambiance fébrile de la foule, il y a des gens PARTOUT dans les BD de Michel Vaillant! Ce n’est pas si évident à faire, surtout à le faire aussi bien! Il y a énormément de bonnes choses dans les albums de Graton! Pour ma part, je préfère ceux des années 60. Et les relations entre les personnages sont vraiment intéressantes! Il y a une recherche psychologique assez poussée, ce qui n’était pas du tout courant à l’époque! Je ne sais pas si on a poursuivi dans cette veine, surtout depuis que son fils a repris le flambeau, car je ne lis plus les nouveaux albums depuis longtemps...

Que penses-tu de toutes ces séries qu’on reprend (Blake & Mortimer, Spirou, bientôt Bob Morane, Michel Vaillant) tu ne trouves pas que si on a arrêté de les faire c’est parce qu’elles avaient vécu leur vie ?

-Je ne sais pas... En fait, je pense que certaines séries se prêtent mieux à la reprise que d’autres... Si Spirou a merveilleusement supporté le passage de ses différents auteurs, même après Franquin!... c’est qu’on a continué à faire évoluer la série et à la doter de nouveaux personnages, de nouvelles intrigues sortant des cadres de ce qui avait été fait avant. Je pense que l’erreur dans la reprise, est de “singer”l’auteur original. Mais il y a des créateurs qui ont imprégné toute leur Oeuvre avec leur personnalité, comme Hergé, Jacobs, Peyo... Il serait impensable de voir les Schtroumpfs dessinés dans un autre style. Blake et Mortimer, et Tintin, pareil. Ça ne deviendrait que des parodies, puisque toute l’oeuvre est d’un même style... Mais ce faisant, les repreneurs sont condamnés à rester prisonniers d’un univers qui n’est pas le leur, ne pouvant faire évoluer ce petit monde dans une direction qui leur serait plus personnelle, telle que Franquin pu le faire avec Spirou... C’est dommage, mais c’est ainsi. Je crois que, dans ce cas, tant qu’à ne restituer que ce qui a déjà été fait avant par le créateur original, il vaut mieux ne pas poursuivre cette oeuvre. Ça ne lui apportera rien de nouveau, et autre que commercial, je n’y vois aucun intérêt...


Je te verrais bien reprendre Tif et Tondu ? Et pourquoi pas Gil Jourdan ?

-Encore là, comme je le disais, l’intérêt n’en serait que commercial, je pense... La reconnaissance du nom de ces séries est telle qu’aujourd’hui le succès serait forcément au rendez-vous, mais comment peut-on s’imaginer faire aussi bien, ou mieux, que Will et Tillieux? Pourtant, si on ne croit pas qu’on peut faire aussi bien, ou mieux, et si on ne nous permets pas de faire différemment de Will et Tillieux, ça ne vaut pas la peine de s’y essayer. Je ne pense pas que je ferais mieux qu’eux, et j’imagine mal qu’on me laisserait faire différemment. C’est pourquoi je préfère créer des personnages dans la lignée de ces héros classiques, comme Simon Nian et maintenant Spectro, et avoir les coudées franches pour créer un univers sans avoir à porter d’œillères.


Un talent comme le tien, c’est inné ou cela a demandé du travail ?

-Ahah! J’aimerais tellement que ce soit inné, mais déjà, je ne crois pas tellement au“talent”!... Non, je crois en l’aptitude, et si on reçoit les bons encouragements assez tôt, on a la chance de développer cette aptitude... Rien ne vient tout seul! J’avouerai cependant que j’avais une prédisposition pour ce travail. J’ai encore chez moi ma première BD réalisée à l’âge de 4½ ans!... Depuis aussi loin que je me souvienne, j’ai voulu faire, et j’ai fait de la BD. Mais ce qui est merveilleux, c’est qu’on évolue à notre insu, sans avoir l’impression d’y faire quelque chose! Il faut lire les “Maîtres”, essayer de comprendre ce qui fait que telle BD est si réussie, quels sont les rouages qui font qu’elle fonctionne si bien, puis faire de la BD en essayant d’appliquer ces principes. Mais non, ce n’est pas inné... je travaille beaucoup, me questionne énormément, et recommence encore plus!

La troisième aventure d’El Spectro se déroulera dans le bayou. L’homme sera-t-il toujours confronté au fantastique ?

-Toujours! C’est le propre de l’Univers de Spectro! On ne le surnomme pas “El Fantasma Escarlata” (Le Fantôme Écarlate) pour rien!

 

N’as–tu pas peur de reperdre le lectorat gagné par la luminosité de Trans-Amazonie à cause d’une histoire trop sombre ?

-Pas du tout. C’est une histoire différente tout simplement. Il est hors de question de nous mettre à taper toujours sur le même clou! Le monde de Spectro est large et nous avons bien l’intention de l’explorer en compagnie de notre héros, que ce soit dans le bayou, dans les Andes, sur la Trans-Amazonie ou dans la savane africaine! C’est ce qui fait la beauté d’un personnage comme El Spectro, il n’est pas enchaîné à un style d’aventure particulier. C’est un peu un Bob Morane qui porte un masque!“Le Monde est son Royaume” et les lecteurs de Bob n’ont jamais rechigné à le suivre de la cité souterraine de l’Ombre Jaune à la Vallée des Brontosaures!


Ne t’as t-on jamais proposé de faire du comics avec El Spectro qui semble être le personnage parfait pour ce genre ?

-Pas encore! Mais de toute façon, lent comme je suis, je n’arriverais jamais à dessiner 22 pages en un mois!!!

https://www.facebook.com/pages/El-Spectro-la-BD-page-officielle/256734397697771

 

WHITE CUBE - Brecht Vandenbroucke dans le lard de l'art

Brecht Vandenbroucke nous vient du nord du pays après avoir fait ses études de graphisme à Saint Luc Gand. Il a remporté en 2009 le 2ème prix du concours Fumetto qui lui consacré une exposition. Vandenbroucke, c’est un style original. Il réalise des peintures acryliques et les réduit pour en faire des planches BD, un véritable tour de force dans un genre qui qui tend vers le vite fait bien fait, quitte à abuser d’informatique. Il trempe ses pinceaux, nous baigne dans un univers fait de couleur criardes et basiques… Son humour est volontiers poétique mais aussi britannique ou absurde, des histoires sans paroles où tout est donc dans l’image… Avec White Cube, Vandenbroucke nous propose de revisiter la peinture, qui se dit ou se veut moderne et d’y jeter un regard à travers ses deux personnages, des jumeaux façon Tondu et Tondu qui ont une opinion sur tout, reflet exact de notre société à présent pilotée par des réseaux qu’on qualifie de sociaux et qui fonctionnent à grands coups de pouce levé ‘j’aime’ ou inversément ! Nous voilà constamment soumis au jugement de tout un chacun comme des chrétiens jetés dans l’arêne aux lions… L’ère du paraître… Et ces deux-là ne vont pas se gêner !

 

White cube est à propos de la critique de la critique, les personnages principaux sont deux jumeaux, que j’appelle les « esthetic critics », parce qu’ils « poucent » pour un oui ou pour un non, à la manière de facebook, où chacun « aime » ou « n’aime pas », où chacun donne son opinion, livre des commentaires sur tout et sur rien. White cube est le nom d’une galerie d’art à Londres, une galerie avec des murs blancs pour qu’on soit aussi objectif que possible par rapport aux œuvres exposées, sans subir l’influence du monde extérieur, pour avoir une conscience totale de l’œuvre. Mes « esthetic critics » font la tournée des musées, des galeries et ont à chaque fois une opinion, aussi une opinion très relative parce que le monde de l’art peut parfois être d’un sérieux !

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C’est de l’humour flamand qu’on compare généralement à Herr Zeele et Kamagurka, mais je n’y fais pas attention, j’essaye d’être moi-même, le plus marrant possible, si je suis content c’est  déjà bien. Mais il n’y a pas que cet humour, il y a aussi de la poésie comme il y a des choses plus hard. En tout cas, c’est très dur de faire rire les gens.

J’ai fait tous mes dessins à la peinture acrylique et j’ai même réalisé tout le lettrage. J’ai bien essayé de faire cela à la peinture pour mes dédicaces mais ce n’est pas évident !

Non, je ne suis pas inspiré par quelqu’un en particulier, j’ai terminé mes études de graphisme à Saint Luc (Gand) il y a cinq-six ans, j’avais un certain Ever Meulen comme professeur. Apparemment on apprécie mon style graphique car je travaille pour des journaux, des magazines, j’expose, je fais beaucoup de choses…

Cette édition « Bries » est assez limitée mais c’est un bel objet, je voulais absolument une couverture cartonnée, dans le genre des Tintin que je feuilletais étant plus jeune, un objet qui soit beau dans une bibliothèque. Le livre sera republié plus tard par Acte Sud, un éditeur français qui n’a eu aucune difficulté à le traduire puisqu’il est sans paroles !

TED BENOIT EN SCENE DE LA SENNE A LA SEINE

Thierry – alias Ted – Benoit aime jouer avec la clarté et l’obscurité. Swarte, un dessinateur dont le nom se traduit par noir l’initie à la ligne claire, puis elle se trouble en n’étant plus si claire que cela avant de gagner l’obscurité et de revenir. Ted Benoit aime l’absurde qu’il a conjugué au fil de ses histoires. Camera Obscura, sous-titré Vers la ligne claire et retour en est un exemple…

Ce n’est pas une intégrale, il n’y a pas les choses essentielles, j’ai mis tout ce qui était en train de disparaître et qu’il fallait rappeler, des livres qui ne sont plus réédités, qui ne sont plus disponibles. C’est un genre de best of, j’ai surtout choisi des choses auxquelles je tenais beaucoup et j’ai tout mis en perspective tout en respectant l’ordre de parution… J’ai toujours fait peu de BD, j’ai dis que je voulais dessiner quand cela m’amusait…

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Son (anti)héros le plus connu est l’ineffable Ray Banana, qui promène sa nonchalance dans des histoires souvent insensées voire incohérentes. Mais l’homme qui ne transpirait pas a disparu depuis quelques décennies…

Ray Banana continue à philosopher sur la toile, car je tiens toujours à lui, il m’accompagne depuis le début, il m’intéresse toujours et il est l’antinomie d’un philosophe…

Ray Banana, c’est un peu Clarke Gable physiquement mais pas trop, il est venu comme ça… Quand j’étais petit, mon père me parlait du mot rastaquouère, qui vient de l’espagnol « traîne cuillère », ces chevaliers désargentés, des aventuriers dont on ne sait pas trop d’où ils viennent, Banana est un rastaquouère, c’est comme ça.

Mais Ted Benoit, c’est surtout un bouquin essentiel qui secoue les fondations de la BD en 1981 : Vers la ligne claire. Pour la première le travail d’Hergé, de Jacobs et qui les ont inspirés comme St Ogan et McManus et « nommé » et Ted Benoit s’impose, avec Joost Swarte, comme le chef de file de la « nouvelle » ligne claire…

La ligne claire, c’est moi qui l’ai nommé comme cela en français. Swarte avait inventé les mots Klare lijn pour nommer un de ses catalogues lors de l’expo Hergé à Amsterdam. Il m’a guidé vers la ligne claire, je l’ai connu via Charlie Mensuel dans les années 73/75 et je trouvais sidérant de le voir dessiner comme Hergé mais des histoires tellement différentes !

La ligne claire a un côté commercial, je suis connu pour cela, cela correspond à mon parcours, cela accroche l’éditeur. Swarte et moi nous sommes rencontrés quand j’ai fait ma BD « Vers la ligne claire »… La couverture a un côté très soviétique car je viens d’une famille communiste et je trouvais que le terme avait un côté politique plutôt qu’artistique. Dans un bouquin sur Lénine j’avais lu qu’il avait la « ligne juste » par rapport aux autres, ligne juste - ligne claire, il y avait quelque chose de semblable.

Je suis de la deuxième génération de la ligne claire avec des gens comme Swarte, Chaland car si le dessin est ligne claire, les histoires et la façon de les raconter sont très différentes. Je n’ai jamais compris la différence entre la ligne claire et le style atome qui vient plutôt de l’école de Marcinelle. J’ai toujours été du côté Tintin. C’est Chaland qui m’a appris à dessiner au pinceau et je dessine encore au pinceau - J’ai réalisé les deux Blake and Mortimer de cette façon mais les fonds de décors sont à la plume. Le pinceau est très agréable, mais difficile à maîtriser…

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(Ray Banana envahi par une bande de paparazzi-relégué au second plan, Shesivan rit jaune mais voit rouge...)

Pourtant, lorsqu’il débutera dans la BD son trait est influencé par des Giraud, Tardi qu’il a vu défiler dans les pages de Pilote, mais aussi l’américain Crumb. Ted Benoit se cherche, tout en consommant déjà cet humour si monty pythonesque. Ted Benoit a quand même fini par trouver…

Quand j’ai commencé j’étais surtout attiré par l’underground américain, des types comme Crumb qui donnaient une liberté de dessiner et j’ai beaucoup recopié pour apprendre, du Jacobs, du Giraud… pour comprendre comme cela se faisait ! Quand je me suis à faire mes propres dessins, je me suis rendu compte que ce qui compte n’est pas la façon d’encrer mais le dessin au crayon qui est en dessous, c’est là où cela se construit, que le dessin marche ou ne marche pas… Il ne suffit pas d’avoir un beau trait de pinceau pour être Giraud !

La première fois que je suis venu à Bruxelles c’est pour l’émission sur Hergé et Tchang, j’étais un petit jeune et ensuite j’ai été le voir avec Swarte et Vermeulen, nous venions en pèlerinage et plus tard le studio Hergé a mis un de mes bouquins en couleurs…

Camera Obscura est le moyen idéal pour initier ceux qui voudrait connaître Ted Benoit, à Ted Benoit. Il a été invité à commenter ses actes et s’y prête avec beaucoup d’humour, de distance et évidemment une certaine nonchalance…

Pour reparler de Camera Obscura, j’ai fait tous les écrits, je ne voulais pas faire une autobiographie, j’ai gardé un côté Ray Banana !

En plus et c’est rare, Ted Benoit, s’expose afin que nous puissions admirer ses dessins en live et en grandeur nature, car c’est un perfectionniste et un maître. Ce n’est pas pour rien que Jean Van Hamme a fait appel à lui pour générer les nouvelles aventures de Blake et Mortimer. Pour beaucoup l’Affaire Francis Blake reste le meilleur ouvrage de cette seconde génération ! Il y a dans ses pages quelque chose de spontané qu’on ne retrouvera plus par après. Malheureusement, Ted Benoit s’abstiendra d’un troisième opus. Trop lent, qu’il dit. Mais bon, c’est un perfectionniste et vitesse et perfectionnisme sont des antinomiques

En ce qui concerne mes expos conjointes à Bruxelles et à Paris, il n’y a aucune différence dans le matériel exposé, il a été réparti entre les deux localisations. Il y a un peu plus à voir à Paris car c’est plus grand, c’est tout…


 

Pour continuer à suivre les activités de Ted Benoit :
http://metropolisjournal.blogspot.be/

Pour continuer à supporter les bétises de Ray Banana :
http://lespenseesimprobablesderaybanana.blogspot.be/


 
Pour tout savoir sur l'expo Ted Benoit :
http://www.galeriechampaka.com/#

 

Ted Benoit : CAMERA OBSCURA vers la ligne claire et retour est un ouvrage édité par Champaka et une double exposition aux galeries du même nom, à Paris (Beaubourg) et Bruxelles (Sablon)

(Pour les photos, un grand merci à Yves Declercq et Jean-Jacques Procureur)

le psychédélisme finlandais de Tommi Musturi

Chef de file de la bande dessinée et de l'édition indépendante finlandaise, Tommi Musturi, publié en français par la 5ème couche, exerce son art tant comme artiste qu’auteur de Bande Dessinée, illustrateur et graphiste. Il est aussi éditeur à ses heures et commissaire d’exposition. Autour de lui gravite absolument tout ce qui se fait de neuf en Finlande, en matière d'art plastique, d'édition, de bande dessinée.Une œuvre protéiforme dictée par une totale liberté stylistique. Il a publié une quinzaine de livres dans son pays, ainsi qu’au Portugal, en Allemagne, en Suède et en Amérique du Nord.

L’attitude des finnois vis-à-vis des BD est très différente qu’en Belgique, celles-ci paraissent essentiellement dans les journaux et sont essentiellement humoristiques. Les Finnois pensent que la bande dessinée est faite pour les enfants, ils sont plutôt troublés par mon travail.

Sa série-phare, M. Espoir est une série en cinq tomes écrite comme une histoire sur la vie et la mort. Il y aborde les questions de l'existence : l'individu, la solitude, la nature et la liberté. Il propose une esthétique proche de la tradition de la ligne claire. Dans Sur les pas de Samuel, récit muet, philosophique, psychédélique et métaphysique, Tommi Musturi décrit le périple d’un individu surgit d’on ne sait où, juste après la naissance de l’univers. Il traverse les saisons, les continents, les cataclysmes de toutes sortes, le plus souvent cosmiques.

Après Monsieur Espoir j’ai commencé a dessiner ce personnage sans mettre de commentaires mais en essayant de lui faire exprimer ses sentiments par ses attitudes corporelles. J’ai passé quelques temps en Afrique et j’ai combiné mon expérience vécue là-bas avec mes dessins. Je voulais que ce soit assez abstrait en créant une histoire abstraite, plutôt cunéiforme tout en laissant la fin de l’histoire ouverte. Samuel n’est intéressé que par lui-même et traverse toute l’histoire sans se rendre vraiment compte de se qui se passe autour de lui.

Ici, le style graphique est très épuré mais richement mis en couleur.

Je dessine à la main et je fais les couleurs avec des feutres, chez moi les couleurs sont porteuses de beaucoup d’émotions…

À côté de ces deux projets en ligne claire, Musturi se permet de réaliser des livres à l’antipode de cette esthétique comme Automia Kis Kis qui propose des images, tirées de ses carnets de croquis, dans un style totalement pictural et éclaté ou Italo Sport, un détournement pop avec une esthétique des publicités des années soixante, ou encore Concrete floor qui propose des dessins saturés. Il expérimente continuellement de nouveaux styles dans différents genres artistiques, et se réinvente sans cesse.

Dernier ouvrage en date, Beating propose des illustrations réalisées tout au long de sa carrière, dessins libres, psychédéliques et saturés de couleurs, une sorte de catalogue de papier peint sous acide ! L’illu de couverture nous offre une idée du nouveau style qu’expérimente l’auteur, une sorte de ligne claire ou style atome proche du cubisme.  Musturi occupe une place prépondérante dans l’esthétique de toute une génération de dessinateurs finnois mais aussi dans la BD en tant qu’explorateur du graphisme sous toutes ses formes.

Je lis de la BD depuis que je suis enfant, j’ai beaucoup lu les classiques belges et français, les américains aussi. Charles Burns, Didier Comès m’ont inspiré dés mes débuts. Je ne travaille pas vraiment avec un scénario établi, plutôt une sorte de plan que je respecte ou pas selon mon gré et que j’ai envie de développer plus intensément une partie de la trame…
Quand j’avais seize ans j’ai réalisé pas mal de dessins que je revendais aux tatoueurs comme modèle et quelques années plus tard, un jour que je regardais le catch sur une chaîne de sport j’ai eu la surprise de découvrir qu’un des catcheurs sur le ring portait un de mes dessins tatoué en grand sur son dos !  

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L’exposition Tommi Musturi sera accessible au public du 11 au 28 avril 2013 à la Galerie Petits Papiers Sablon.

 

 

MARC HARDY ET PIERRE TOMBAL, TRENTE ANS D'HAPPY TAF !

Voici trente ans que débarquait un fossoyeur dans les pages de Spirou, Pierre Tombal le bien nommé, un peu comme un mariage, pour le meilleur – l’accueil des lecteurs - et pour le pire - la bête noire de monsieur Dupuis qui n’osait pas virer cette série qui rencontrait un tel succès.

La notoriété de Pierre Tombal n’a cessé de grimper au fil des années et le public s’est habitué à le voir hanter les travées mal entretenues de son cimetière, car notre homme est moins enclin à l’entretien des parterres qu’à philosopher avec les défunts et même la mort en personne, le corps arcbouté sur le manche de sa pelle.

Une série où il nous est paradoxalement interdit de mourir de rire et qui après trente ans d’existence vaut bien qu’on l’expose en grandes pompes (funèbres) au CBBD…

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Photo JJ Procureur

Les dernières paroles de Marc Hardy :

Je connaissais Raoul Cauvin depuis une dizaine d'année. Il hantait la rédaction de Spirou mais nous n’avions aucun projet ensemble car il n'aimait pas trop mon dessin, qui lui paraissait à l’époque trop nerveux. Quand on s’est décidé à travailler ensemble, sans trop savoir sur quoi, il m’a demandé de lui fournir un paquet de croquis, du genre réalisés sur un coin de table. Il a pioché dedans et cela l’a inspiré pour créer Pierre Tombal, bien que j’ignore encore si c’est lui ou moi qui l’ai créé ! Quand nous avons annoncé ce projet à propos des aventures d’un fossoyeur à notre rédacteur en chef, il nous a dit de foncer et quand l’éditeur a vu le résultat il a dit de tout stopper ! A l’époque c‘était encore la famille Dupuis… Mais quand il a vu le courrier qui entrait en faveur de la série, il nous a fait continuer mais pendant trois ans nous n’avons pas eu droit à une sortie en album, chose qui est arrivée après le rachat des éditions !

Pierre tombal a évolué en trente ans, j'ai récemment rajouté le personnage de la vie et depuis son arrivée, les lecteurs s’attachent à la mort ! Ils me le demandent de plus en plus lors de séances de dédicaces !

Si cela continue comme cela nous en ferons un spin off !

Dans les premiers albums Pierre tombal avait une épouse, une femme très laide qui a fini par disparaître… Nous avons tenté de trouver une histoire expliquant cela mais rien de vraiment concret, alors Tombal la recherche de temps en temps, sans vraiment la trouver… Un de mes personnages préférés est ce squelette qui se trouve accroché dans la classe de science d’une école et qui est raide amoureux de l’institutrice, de ce béguin d’écolier que nous avons tous connu !

Avec Raoul Cauvin il y a un clivage scénariste/dessinateur, parfois je lui refile des idées qu'il prend ou qu’il délaisse mais aussi, quand je ne ressens pas certains scenarii, je ne les fait pas…

Quand j’étais gamin j’habitais en Afrique et je dévorais les aventures de Bob Morane. J’ai noirci un bon paquet de pages de dessins, lesquels sont tombés sous les yeux d'un membre du club Bob Morane qui a averti Henri Vernes. Le club voudrait en publier un livre mais comme ce ne sont pas des histoires entières, j'ai fait plein de petits textes explicatifs… Une chose qui m’a frappé dans ces dessins, à cette époque je faisais des très grandes mâchoires, alors qu’à présent je dessine des gros nez comme Pierre Tombal !

Je suis en train de dessiner un Spirou sur un scénario de Zidrou, un Spirou très noir, il n'y aura pas d'humour... Malheureusement en 4 ans je n'ai réussi qu'à faire 4 pages. J'ai brûlé toutes les autres car je trouvais que le Spirou que je dessinais ne lui ressemblait pas et je ne voulais pas continuer sur cette voie quand on n’a pas le feeling du personnage....

Je ne me suis jamais posé la question si je vais encore pouvoir continuer à produire des Pierre Tombal pendant trente ans… Ma vue a tendance à baisser, au début je faisais mes dessins sur du papier format A 4, à présent j’en suis au format A 3 ! Je ne sais pas si quelqu’un sera tenté de reprendre Pierre Tombal ou en aurait envie, mais en attendant tout va bien !

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http://www.cbbd.be/fr/expositions/la-gallery/pierre-tombal-des-os-et-des-bas
 

ESPANA LA VIDA L'INTERVIEW

1937. Picasso révèle au monde toute l’horreur de Guernica. À Paris, Léo fait partie d’un petit groupe de jeunes anarchistes troublés par l’actualité espagnole. Issu d’une famille bourgeoise, il décide d’aller se battre, encouragé par l’écrivain militant Victor Serge. Tel un fugitif en cavale, il gagne Saragosse et y rejoint la colonne Durruti, une brigade internationale où se retrouvent, engagés aux côtés des républicains espagnols, des combattants idéalistes de tous les horizons de la planète…

Malgré son nom, le dessinateur Eddy Vaccaro n’est pas espagnol mais bien français d’origine sicilienne. Venant de la musique rock il en est à son quatrième album. Quant à Maximilien Le Roy, scénariste engagé, globe trotter depuis ses 18 ans, il place l’improbable Sur les traces de Nietsche chez Lombard, coincé entre la famille Thorgal et le génie Léonard. C’est vous dire si il a du talent !

Ensemble ils ont créé ce one-shot épais dont la guerre d’Espagne n’est que la toile de fond, dépeignant les actions de ce jeune héros qui veut aller jusqu’au bout de ses idées et se rendra bien vite compte que la réalité est bien cruelle par rapport à sa droiture et ses valeurs. Une histoire romantique également puisque Léo rencontrera l’amour mais aussi la considération de son père qui a enfin ouvert les yeux et s’est détaché de sa matrone/bourgeoise coincée de mère. Le trait de Vaccaro est un crayonné brut superbement mis en valeur par Anne-Claire Jouvray, la coloriste qui, c’est une bonne surprise, figure avec les auteurs sur la couverture. Un récit fluide et scandé qui alter avec bonheur moment calme avec dialogues ciselés et pages d’action où la violence éclate et éclabousse par sa cruauté.

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La guerre d’Espagne est un sujet que je ne connaissais pas trop étant donné que je n’ai pas de racines espagnoles mais une culture méditerranéenne. J’y vois un intérêt politique mais j’aurais très bien pu situer l’histoire dans un autre pays.

L’arrière plan est politique mais, comme c’est une fiction, il fallait inventer des personnages avec des liens, je trouvais intéressant de tisser une histoire avec des individus, je voulais que les personnages aient une vie à eux, travailler leur psychologie. Il y a une histoire d’amour mais aussi une histoire entre le père et le fils.

Nous n’étions pas limité par un nombre déterminé de page, j’avais écris mon scénario comme un film sans penser à le formater en BD, le projet était prévu pour un récit et un nombre limité de pages aurait raboté le rythme du récit. C’est très fluide, il y a des pages de silence, des non-dits, des pauses, ce qui aurait été impossible à faire avec un format standard de 48 pages. L’intérêt de la fiction par rapport à une biographie c’est qu’on peut imposer son rythme, avec des moments de tensions et de relâchement…
 

Il y a beaucoup de crayon, une technique mixte avec l’encre… Je faisais comme des croquis que j’affinais avec des crayons de plus en plus sec et parfois du feutre. Je modèle mes personnages puis je reviens dessus avec du tippex, comme de la peinture blanche, comme un peintre qui rajoute de la lumière sur son dessin. L’histoire aurait très bien passé en noir et blanc, les gris, je ne les ai pas forcés pour qu’il n’assombrisse pas la mise en couleur.

Les scènes que je préfère dessiner sont des scènes intimes, calmes, les scènes militaires me parlent moins, je ne suis pas fan des fusils …

Nous nous sommes connus sur un forum de BD et quand j’ai écris cette histoire, j’ai pensé à lui. En fait le scénario avait déjà été accepté par un éditeur avant que je la lui propose !

Nous avons un autre projet ensemble mais qui en est encore aux prémisses, l’histoire d’une jeune peintre, un personnage féminin. Nous avons d’abord pensé à Frida Calo mais je voulais un personnage moins connu et j’ai découvert l’impressionniste Lucie Couturier. Elle s’est retrouvée embarquée dans la première guerre mondiale, en contact avec des tirailleurs sénégalais et elle va les suivre après la guerre. Elle va faire des récits, des livres de ses voyages…

BIG K, de la réalité à la BD

Imaginez le New York des années 70, ses rues dégueulasses, certains quartiers où il ne faut même pas rêver de mettre un pied une fois la nuit tombée, l’insécurité dans toute sa splendeur, les bandes de blacks, maffieux, les bagnoles sur leurs jantes qui crament, les flics corrompus… C’est l’ambiance que rendent à merveille Nicolas Duchêne et Ptoma Martial avec leur série Big K, du nom d’un tueur, lequel est inspiré d’un personnage réel, un tueur en série allié à la Maffia qui fit plus de 200 victimes : Richard Kuklinski…

Même si c’est aussi Casterman, nous sommes loin du Tueur de Matz et Jacamon, qui lui aborde tout le côté existentiel du personnage principal. Il réfléchit beaucoup, agit de moins en moins…

Big K, lui, agit, un peu trop même, puisqu’il a commis une grosse bourde dans le tome un et va être chargé de la réparer et cela uniquement parce que ses boss ont compris son potentiel destructeur sinon il aurait déjà fait un plongeon dans l’Hudson, avec des godasses en ciment…

Dans ce deuxième opus, Big K va être confronté à son contraire, un fort en gueule qui voudrait lui faire de l’ombre. Et Big K n’aime pas qu’on lui fasse de l’ombre. Ca l’énerve, alors il se laisse aller, même avec sa famille qui est sacrée. Sa femme dit un mot de travers et il lui colle une baffe. Tout cela fait ressurgir son passé difficile. Car c’est depuis sa petite enfance que tout à été mis en place pour qu’il devienne ce qu’il est devenu, un personnage froid et calculateur, qui n’a peur de rien et regarde la mort dans le fond des yeux. Son seul tabou : sa femme et ses enfants. Mais K n’est qu’un petit rouage dans la grosse machine à fric qu’est la mafia, alors il obéit quand on lui donne un ordre, même si c’est contre son goût. Le voilà qui doit balayer un grain de poussière qui grippe la belle machine malhonnête, le frère d’un comptable qui le perturbe et qui finit par pomper dans la caisse. Mais voilà que… N’allons pas trop loin, ménageons le suspens. Pour leur deuxième opus de la trilogie, Duchêne et Ptoma voguent du côté du Parrain II, le film de Coppola qui revient sur le passé des mafieux pour expliquer le comment du pourquoi et apporter une profondeur, un background au personnage. Certes pas pour excuser son comportement, puisqu’il s’agit ici bel et bien d’un assassin, d’un homme plus proche de l’animal que la plupart d’entre nous mais comme il n’est pas pareil à nous, c’est un objet de curiosité, il exerce sa fascination…

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SOUVENIRS DU STYLE ATOME AVEC ALEXANDRE CLERISSE

Achtung chef-d’œuvre ! 2013 à peine entamée que déjà la BD de l’année est parue. Son emballage est magnifique, son contenu volumineux, l’histoire - compliquée mais d’une grande lisibilité - est palpitante et les images sont splendides ! Souvenirs de l’Empire de l‘Atome nous renvoit à cette époque où l’homme moderne croyait encore en son futur. Il venait de terminer une guerre et avait envie de vivre d’espoir. L’Expo 58 de Bruxelles allait être la vitrine de demain. Les étoiles étaient à portée de main, à portée de conquête… Le titre fait aussi référence à l’âge d’or de la science-fiction, des Asimov, Clarke, Heinlein, Van Vogt qui régnaient sur un genre relayé par des pulps aux couvertures criardes et avenantes, au style approchant souvent l’art déco. Tout ceux qui sont convaincus que des Jijé, Franquin et Will ont fait évoluer le genre BD et l’ont porté à son apogée, seront convaincus par cet imposant ouvrage, aux références tellement multiples et surprenantes qu’on dirait un jeu de piste ! Thierry Smolderen parvient à accrocher malgré une histoire alambiquée qui nous entraîne dans des futurs lointains pour rebondir à coups de flash back, mais le scénariste est assez virtuose pour en maintenir le suspens et la cohésion. Quant au graphisme d’Alexandre Clérisse, il rend hommage au triumvirat cité plus haut mâtiné du célèbre affichiste Savignac, créant une reconstitution parfaite du graphisme des fifties, du design typique style atome qui n’en finit pas de renaître pour notre plus grand plaisir visuel.

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DELVAUX, DUBOIS, GIPAR ET LA FEMME DU NOTAIRE

altLes aventures de Jacques Gipar dans la collection Calandre de l’éditeur Paquet sont une affaire qui roule : 35.000 exemplaires vendus pour les quatre volumes. Même que Gipar est édité en Allemagne, sous le nom de Gibrat…

Les aventures du journaliste dans les années 50 existent grâce à deux auteurs : Thierry Dubois et Jean-Luc Delvaux, deux passionnés d’automobiles des années 50 et des années Spirou squattées par Tillieux, Will, Franquin et Jidéhem.

HAUTIERE-HARDOC ET LA GUERRE DES LULUS


altQuand Régis Hautière et Hardoc parlent de leur Guerre des Lulus, on sent qu’ils se sont vraiment impliqués à cent pour cent dans ce projet. C’est la première fois qu’il y a une œuvre sur la Grande Guerre sans qu’on soit obligé d’affronter visuellement les tranchées, les gaz moutarde, la boue, ses soldats englués dans un conflit qui dure. Voici 14-18 vu par les yeux d’enfants qui, si ils ne participent pas au conflit, en ressentent les effets et en seront marqués à jamais. Une BD pour tous les âges, aussi une BD pour ne pas oublier. La guerre c’est atroce et elle était juste à nos portes…

 

INTERVIEW DE VIRGINIE AUGUSTIN ET YANN

Le scénariste Yann Lepennetier et Virginie Augustin dissertent à propos de Whaligoë, leur dernier ouvrage. J'éviterai d'en dire trop puisqu'une chronique est prévue :


altWhaligoë est une histoire qui traînait dans mes tiroirs depuis une vingtaine d’années et dont aucun éditeur ne voulait. Quand Reinold Leclerc est arrivé comme éditeur chez Casterman, il m’a demandé ce que j’avais en réserve, je lui ai proposé celle-là et il a sauté sur l’occasion. Il a également accepté que je travaille dessus avec Virginie Augustin avec qui j’avais envie de collaborer depuis longtemps. Whaligoë est né de ma passion pour les romans gothiques, l'Ecosse, les Dandys. J’ai dédié cet ouvrage à tous les dandys célèbres comme Oscar Wilde ou Serge Gainsbourg et je l’ai signé Balac, comme j’ai signé le premier tome de Sambre qui se passait à peu près à la même période. La thématique de l’histoire est celle de l’usure d’un vieux couple, Sir Douglas Dogson et sa muse Esperanza, la disparition du talent. C’est prévu en deux volumes, dans le premier j'emmène la présentation, dans le deuxième le dénouement.

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